La Guerre des Gaules
l'ennemi, elles et leur commune progéniture, à qui la faiblesse du sexe ou de l'âge ne permettait pas la fuite. Quand elles les virent inflexibles – en général, dans les cas de péril extrême, l'âme en proie à la peur reste inaccessible à la pitié – elles se mirent à crier toutes ensemble et à signaler aux Romains le projet de fuite. Alors les Gaulois, craignant que la cavalerie romaine ne leur coupât la route, renoncèrent à leur dessein.
27. Le lendemain César fit avancer une tour et redresser les terrassements qu'il avait entrepris ; là-dessus il se mit à pleuvoir abondamment, et ce temps lui parut favorable pour décider l'attaque, car il apercevait quelque relâchement dans la garde du rempart ; il dit à ses soldats de ralentir leur travail, et leur fit connaître ce qu'il attendait d'eux. Il réunit secrètement les légions, en tenue de combat, en deçà des baraques, et les exhorta à cueillir enfin après tant de fatigues le fruit de la victoire ; il promit des récompenses pour ceux qui auraient les premiers escaladé le rempart, et donna le signal de l'assaut. Ils bondirent soudain de toutes parts et eurent vite fait de garnir la muraille.
28. Les ennemis, effrayés par ce coup inattendu, furent chassés du mur et des tours ; ils se reformèrent sur le forum et sur les places, résolus à faire front du côté où viendrait l'attaque et à livrer une bataille rangée. Mais quand ils virent qu'au lieu de descendre lutter de plain-pied nos soldats les enveloppaient en occupant toute la muraille, ils craignirent de se voir ôter toute chance de retraite et, jetant leurs armes, ils gagnèrent d'un seul élan l'extrémité de la ville ; là, comme ils se pressaient devant l'étroite issue des portes, nos fantassins les massacrèrent, tandis que ceux qui étaient déjà sortis tombaient sous les coups de nos cavaliers. Personne ne pensa au butin ; excités par le souvenir du carnage de Cénabum et par les fatigues du siège, ils n'épargnèrent ni les vieillards, ni les femmes, ni les enfants. Bref, d'un ensemble d'environ quarante mille hommes, à peine huit cents, qui s'enfuirent hors de la ville aux premiers cris, arrivèrent sains et saufs auprès de Vercingétorix. Celui-ci, craignant que leur arrivée tumultueuse et l'émotion que leur vue provoquerait dans une foule impressionnable ne fussent cause d'une émeute, les reçut en pleine nuit et silencieusement, ayant pris soin de disposer sur la route, à bonne distance du camp, ses compagnons d'armes et les chefs des cités, qui avaient mission de les trier et de conduire chaque groupe vers les divers quartiers assignés au début de la campagne à chaque peuple.
29. Le lendemain ayant convoqué le conseil, il apporta aux siens consolations et encouragements, les invitant à ne pas se laisser abattre ni bouleverser pour un revers : « Ce n'est point par leur valeur et en bataille rangée que les Romains ont triomphé, mais grâce à une technique, à un art des sièges qui ont surpris l'ignorance des Gaulois. On se trompe, si l'on s'attend, dans la guerre, à n'avoir que des succès. Pour lui, il n'a jamais été d'avis de défendre Avaricum, eux-mêmes en sont témoins ; le malheur est dû au manque de sagesse des Bituriges et à l'excessive complaisance des autres. N'importe, il aura vite fait de le réparer par de plus importants succès. Les peuples gaulois qui se tiennent encore à l'écart entreront, par ses soins, dans l'alliance, et il fera de toute la Gaule un faisceau de volontés communes auquel le monde entier même sera incapable de résister ; ce résultat, il l'a déjà presque atteint. En attendant, il est juste qu'ils veuillent bien, pour le salut de tous, se mettre à fortifier le camp, afin d'être mieux à même de résister aux attaques soudaines de l'ennemi. »
30. Ce discours ne déplut pas aux Gaulois : on lui savait gré surtout de n'avoir pas perdu courage après un coup si rude, de ne s'être point caché ni dérobé aux regards : on lui reconnaissait des dons supérieurs de discernement et de prévision, parce qu'il avait été d'avis, alors que la situation était entière, d'abord d'incendier Avaricum, puis de l'abandonner. Aussi, tandis que les autres chefs voient les revers diminuer leur autorité, lui, au contraire, après un échec, grandissait de jour en jours. En même temps, ses assurances faisaient naître l'espoir que les autres cités entreraient dans l'alliance ; les Gaulois se
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