La Guerre des Gaules
fais-je ? tandis que je rassemble toutes les excuses possibles pour n'être pas comparé à César, je m'expose au reproche même de présomption que je veux éviter, en paraissant croire que semblable comparaison puisse venir à l'esprit de quelqu'un. Adieu.
1. La Gaule entière était vaincue ; depuis l'été précédent, César n'avait pas cessé de se battre, et il désirait donner aux soldats, après tant de fatigues, le repos réparateur des quartiers d'hiver : mais alors on apprit qu'un grand nombre de cités à la fois recommençaient à faire des plans de guerre et complotaient. On expliquait cette attitude par des motifs vraisemblables : tous les Gaulois s'étaient rendu compte qu'avec les troupes les plus nombreuses, si elles étaient concentrées en un seul lieu, on ne pouvait résister aux Romains, mais que si plusieurs peuples les attaquaient en même temps sur divers points, l'armée romaine n'aurait pas assez de ressources, ni de temps, ni d'effectifs, pour faire face à tout ; dût quelque cité en souffrir, il lui fallait accepter l'épreuve, si en retenant ainsi l'ennemi elle permettait aux autres de reconquérir leur indépendance.
2. César ne voulut pas laisser les Gaulois se fortifier dans cette idée : confiant à son questeur Marcus Antonius le commandement de ses quartiers d'hiver, il quitte Bibracte, la veille des calendes de janvier, avec une escorte de cavaliers, pour rejoindre la treizième légion, qu'il avait placée à proximité de la frontière héduenne, dans le pays des Bituriges ; il lui adjoint la onzième, qui était la plus voisine. Laissant deux cohortes de chacune à la garde des bagages, il emmène le reste des troupes dans les plus fertiles campagnes des Bituriges : ce peuple avait un vaste territoire, où les villes étaient nombreuses, et l'hivernage d'une seule légion n'avait pu suffire à l'empêcher de préparer la guerre et de former des complots.
3. L'arrivée soudaine de César produisit l'effet qu'elle devait nécessairement produire sur des gens surpris et dispersés tandis que, très tranquilles, ils cultivaient leurs champs, la cavalerie tomba sur eux avant qu'ils pussent se réfugier dans les villes. Car même l'indice qui signale communément une incursion ennemie, un ordre de César l'avait supprimé : il avait interdit qu'on mît le feu aux constructions, pour ne pas manquer de fourrage et de blé, au cas où il voudrait avancer plus loin, et pour éviter que la vue des incendies ne donnât l'alarme. On avait fait plusieurs milliers de prisonniers, et la terreur s'était répandue chez les Bituriges : ceux qui avaient pu échapper à la première approche des Romains s'étaient réfugiés chez les voisins, se fiant à des liens d'hospitalité privée ou à l'alliance qui unissait les peuples. Vainement car César, par des marches forcées, se montre partout, et ne donne à aucune cité le temps de penser au salut d'autrui plutôt qu'au sien ; par cette promptitude, il retenait dans le devoir les peuples amis, et ceux qui hésitaient, il les amenait par la terreur à accepter la paix. Devant une telle situation, voyant que la clémence de César leur rendait possible de redevenir ses amis et que les cités voisines, sans être aucunement punies, avaient été admises à donner des otages et à se soumettre, les Bituriges suivirent leur exemple.
4. Pour récompenser ses soldats d'avoir supporté avec tant de patience une campagne si dure, d'avoir montré la plus parfaite persévérance dans la saison des jours courts, dans des étapes très difficiles, par des froids intolérables, César leur promet, comme gratification tenant lieu de butin, deux cents sesterces par tête, mille pour les centurions ; puis il renvoie les légions dans leurs quartiers et regagne Bibracte après une absence de quarante jours. Comme il y rendait la justice, les Bituriges lui envoient une ambassade pour demander secours contre les Carnutes, qui, se plaignaient-ils, leur avaient déclaré la guerre. A cette nouvelle, bien qu'il n'eût séjourné que dix-huit jours à Bibracte, il tire de leurs quartiers d'hiver, sur la Saône, les quatorzième et sixième légions, qui avaient été placées là, comme on l'a vu au livre précédent, pour assurer le ravitaillement, et il part ainsi avec deux légions pour aller châtier les Carnutes.
5. Quand ceux-ci entendent parler de l'approche d'une armée, ils se souviennent des malheurs des autres et, abandonnant leurs
Weitere Kostenlose Bücher