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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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quelque roc erratique dressait son profil de mastodonte ; on voyait filer des antilopes, des lièvres, des saïgas, surgir des loups ou des chiens, s’élever des outardes ou des perdrix, planer les ramiers, les grues et les corbeaux ; des chevaux, des hémiones et des élans galopaient en bandes. Un ours gris, avec des gestes de grand singe et de rhinocéros, plus fort que le tigre et presque aussi redoutable que le lion géant, rôda sur la terre verte ; des aurochs parurent au bord de l’horizon.
    Naoh, Nam et Gaw campèrent le soir au pied d’un tertre ; ils n’avaient pas franchi le dixième de la savane, ils n’apercevaient que les vagues déferlantes de l’herbe. La terre était plane, uniforme et mélancolique, tous les aspects du monde se faisaient et se défaisaient dans les vastes nues du crépuscule. Devant leurs feux sans nombre, Naoh songeait à la petite flamme qu’il allait conquérir. Il semblait qu’il n’aurait qu’à gravir une colline, à étendre une branche de pin pour saisir une étincelle aux brasiers qui consumaient l’occident.
    Les nuages noircirent. Un abîme pourpre demeura longtemps au fond de l’espace, les petites pierres brillantes des étoiles surgissaient l’une après l’autre, l’haleine de la nuit souffla.
    Naoh, accoutumé au bûcher des veilles, barrière claire posée devant la mer des ténèbres, sentit sa faiblesse. L’ours gris pouvait apparaître, ou le léopard, le tigre, le lion, quoiqu’ils pénétrassent rarement au large de la savane ; un troupeau d’aurochs immergerait, sous ses flots, la fragile chair humaine ; le nombre donnait aux loups la puissance des grands fauves, la faim les armait de courage.
    Les guerriers se nourrirent de chair crue. Ce fut un repas chagrin ; ils aimaient le parfum des viandes rôties. Ensuite Naoh prit la première veille. Tout son être aspirait la nuit. Il était une forme merveilleuse, où pénétraient les choses subtiles de l’Univers : par sa vue, il captait les phosphorescences, les formes pâles, les déplacements de l’ombre et il montait parmi les astres ; par son ouïe, il démêlait les voix de la brise, le craquement des végétaux, le vol des insectes et des rapaces, le pas et le rampement des bêtes ; il distinguait au loin le glapissement du chacal, le rire de l’hyène, la hurlée des loups, le cri de l’orfraie, le grincement des locustes ; par sa narine pénétraient le souffle de la fleur amoureuse, la senteur gaie des herbes, la puanteur des fauves, l’odeur fade ou musquée des reptiles. Sa peau tressaillait à mille variations ténues du froid et du chaud, de l’humidité et de la sécheresse. Ainsi vivait-il de ce qui remplissait l’Espace et la Durée.
    Cette vie n’était point gratuite, mais dure et pleine de menace.
    Tout ce qui la construisait pouvait la détruire ; elle ne persisterait que par la vigilance, la force, la ruse, un infatigable combat contre les choses.
    Naoh guettait, dans les ténèbres, les crocs qui coupent, les griffes qui déchirent, l’œil en feu des mangeurs de chair. Beaucoup discernaient dans les hommes des bêtes puissantes et ne s’attardaient point. Il passa des hyènes avec des mâchoires plus terribles que celles des lions : mais elles n’aimaient point la bataille et recherchaient la chair morte. Il passa une troupe de loups, et ils s’attardèrent : ils connaissaient la puissance du nombre, ils se devinaient presque aussi forts que les Oulhamr. Toutefois, leur faim n’étant pas excessive, ils suivirent des traces d’antilopes. Il passa des chiens, comparables aux loups ; ils hurlèrent longtemps autour du tertre. Tantôt ils menaçaient, tantôt l’un ou l’autre approchait avec des allures sournoises. Ils n’attaquaient pas volontiers la bête verticale. Jadis, ils campaient en nombre près de la horde ; ils dévoraient les rebuts et se mêlaient aux chasses. Goûn fit alliance avec deux chiens auxquels il abandonnait des entrailles et des os. Ils avaient péri dans un combat contre le sanglier, car Faouhm, ayant pris le commandement, ordonna un grand massacre.
    Cette alliance attirait Naoh ; il y sentait une force neuve, plus de sécurité et plus de pouvoir. Mais, dans la savane, seul avec deux guerriers, il en concevait surtout le péril. Il l’eût tentée avec peu de bêtes, non avec un troupeau.
    Cependant, les chiens resserraient le cercle ; leurs cris devenaient rares, et leurs souffles vifs. Naoh s’en émut. Il

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