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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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principale question : « Et mon frère ? » Mlle Bourrienne s’en chargea.
    « Comment va le prince ? dit-elle.
    – Son Excellence est avec la famille.
    – Il est donc vivant ? se dit la princesse… Comment va-t-il ? continua-t-elle tout haut.
    – Les domestiques disent que c’est toujours la même chose, »
    Qu’est-ce que cela pouvait signifier ? Elle eut peur de le demander, et jeta un coup d’œil sur son neveu, assis en face d’elle : l’enfant était tout joyeux d’arriver dans une grande ville ; alors elle baissa la tête et ne la releva plus que lorsque la lourde voiture, se balançant et criant sur ses ressorts, s’arrêta tout à coup. Le marchepied fut abaissé avec bruit, et la portière s’ouvrit. Elle aperçut à gauche une large nappe d’eau, c’était le fleuve ; à droite, un perron sur lequel se tenaient plusieurs domestiques et une jeune fille au teint frais et rose, dont la jolie figure, couronnée d’une large tresse de cheveux noirs, semblait sourire à contre-cœur : cette jeune fille était Sonia. La princesse monta vivement les degrés, tandis que Sonia lui disait d’un air embarrassé :
    « Par ici, par ici ! » Et elle se trouva tout à coup dans le vestibule, en face d’une femme âgée, au type oriental, qui venait avec empressement au devant d’elle.
    C’était la comtesse, qui, bouleversée par l’émotion, l’entoura de ses bras et l’embrassa à plusieurs reprises :
    « Mon enfant, je vous aime, je vous connais depuis longtemps ! »
    La princesse Marie comprit qui elle était et sentit qu’il fallait répondre à son effusion. Ne sachant trop que dire, elle murmura quelques paroles en français et demanda :
    « Et lui, comment est-il ?
    – Le docteur assure qu’il n’y a plus de danger, reprit la comtesse en levant les yeux au ciel, et en poussant un soupir qui contredisait ses paroles.
    – Où est-il ? Puis-je le voir ?
    – Certainement, à l’instant, mon amie… Est-ce son fils ? ajouta la comtesse, en voyant entrer Nicolas avec son gouverneur. Quel charmant enfant ! La maison est grande, il y aura place pour tout le monde. »
    Tout en caressant le petit garçon, la comtesse les emmena dans le salon où Sonia causait avec Mlle Bourrienne. Le comte vint saluer la princesse Marie, qui le trouva très changé depuis qu’elle ne l’avait vu. Il était alors vif, gai, plein d’assurance ; aujourd’hui elle retrouvait un homme brisé, effaré, qui faisait peine à voir. En lui parlant, il jetait sur ceux qui l’entouraient des regards à la dérobée, comme pour juger de l’effet de ses paroles. Après le désastre de Moscou et sa propre ruine, jeté hors du milieu et des habitudes qui faisaient toute son existence, il se sentait désorienté et avait, pour ainsi dire, perdu sa place dans la vie.
    Malgré son ardent désir de voir au plus tôt son frère, et le dépit que lui causaient, dans un tel moment, les politesses qu’on lui faisait et les compliments qu’on adressait à son neveu, elle observait ce qui se passait autour d’elle. Elle comprit qu’elle ne pouvait faire moins que de se conformer provisoirement à ce nouvel ordre de choses et d’en accepter, sans amertume, toutes les conséquences.
    « C’est ma nièce, dit le comte en lui présentant Sonia. Je crois, princesse, que vous ne la connaissez pas ? »
    Elle se retourna et embrassa Sonia, en essayant d’étouffer le sentiment d’inimitié instinctive qu’elle avait ressenti à sa vue. En se prolongeant outre mesure, ces cérémonies banales finirent par lui faire éprouver un sentiment pénible, accru encore par le manque d’harmonie entre ses dispositions intimes et celles de cet entourage.
    « Où est-il ? demanda-t-elle encore une fois en s’adressant à tout le monde.
    – Il est en bas ; Natacha est auprès de lui, répondit Sonia en rougissant. Vous êtes sans doute fatiguée, princesse ? »
    Des larmes d’impatience lui montèrent aux yeux ; se détournant, elle allait demander à la comtesse la permission de se rendre chez son frère, lorsque des pas légers se firent entendre. C’était Natacha qui accourait, cette Natacha qui lui avait tant déplu lors de leur première entrevue ; mais il lui suffit de jeter un coup d’œil sur elle pour sentir que celle-là du moins, sympathisait complètement avec elle, et qu’elle partageait sincèrement sa douleur. Elle se précipita vers elle, l’embrassa et éclata en sanglots sur

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