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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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s’imagine que je lui obéirai et qu’il peut disposer de moi… » Aussi, malgré les supplications de ce dernier, Pétia lui répondit qu’il savait ce qu’il avait à faire et qu’il ne craignait pas le danger.
    « Vous comprenez bien vous-même, lui dit-il, qu’il est impossible de ne pas être fixé sur le nombre d’hommes qui accompagnent le convoi, lorsque la vie des nôtres en dépend… et puis j’en ai très grande envie, voyez-vous… Ne me retenez pas, ce serait encore pis. »

VIII
    Après avoir endossé l’uniforme français, et s’être coiffés du shako, Pétia et Dologhow se rendirent à cheval jusqu’à la clairière d’où Denissow avait examiné le camp ; arrivés là, ils descendirent dans le ravin, où Dologhow ordonna aux cosaques qui les accompagnaient de les attendre sans bouger, et s’élança ensuite avec Pétia sur la route qui conduisait au pont. La nuit était des plus sombres.
    « Ils ne m’attraperont pas vivant, je vous jure, et s’ils m’attrapent, j’ai un pistolet, murmura Pétia.
    – Tais-toi, ne parle pas russe, » répliqua vivement Dologhow.
    Au même moment, un « qui vive ? » nettement accentué, suivi du bruit sec d’un fusil qu’on armait, se fit entendre à quelques pas.
    « Lanciers au 6 ème !  » s’écria Dologhow, sans rien changer à l’allure de son cheval.
    La noire silhouette de la sentinelle apparaissait au milieu du pont.
    « Le mot d’ordre ? » Dologhow retint son cheval et avança au pas.
    « Dites donc, le colonel Gérard est-il ici ?
    – Le mot d’ordre ? répéta la sentinelle sans répondre, et en lui barrant le chemin.
    – Quand un officier fait sa ronde, on ne lui demande pas le mot d’ordre… J’ai besoin de savoir si le colonel est ici… entendez-vous, imbécile ! » Et, poussant de côté la sentinelle avec le poitrail de son cheval, il continua sa route.
    Apercevant une ombre noire un peu en avant de lui, il alla droit à elle : c’était un soldat portant un sac sur ses épaules, et il lui répéta sa question. Le soldat s’approcha sans défiance, caressa de la main le cou du cheval, et répondit naïvement que le commandant et les officiers étaient plus haut dans une ferme, ainsi qu’il appelait la maison du propriétaire.
    Le bivouac était établi des deux côtés de la route que longeait Dologhow ; sans faire la moindre attention aux cris et aux rires des soldats, il arriva devant la grande porte cochère, entra dans la cour, descendit de cheval, et s’approcha d’un grand feu qui flambait au beau milieu, et autour duquel étaient assis quelques hommes causant à haute voix. Dans une petite marmite placée sur le feu mijotait un morceau de viande qu’un soldat, en bonnet de police et en capote gros-bleu, tournait avec la baguette de son fusil.
    « Oh ! c’est un dur à cuire, disait un des officiers assis dans l’ombre, de l’autre côté.
    – Il les fera marcher, les lapins ! répondit un autre en riant, mais tous deux se turent, en plongeant les yeux dans l’obscurité, au bruit des pas de Dologhow et de Pétia, qui s’approchaient de leur groupe.
    – Bonjour, messieurs, » dit Dologhow à haute voix.
    Des ombres s’agitèrent autour du foyer : un officier de haute taille en fit le tour et s’approcha des nouveaux venus.
    « C’est vous, Clément ? D’où diable… ? » Mais il n’acheva pas.
    Reconnaissant son erreur, il fronça légèrement les sourcils, salua Dologhow comme on salue un inconnu, et lui demanda ce qui l’amenait. Celui-ci lui expliqua que son compagnon et lui rejoignaient leur régiment, et le pria de lui dire s’il ne savait pas où se trouvait le 6 ème lanciers. Il l’ignorait complètement, et il sembla à Pétia que les officiers les examinaient d’un air défiant. Le silence dura quelques secondes.
    « Si vous comptez sur la soupe du soir, vous venez trop tard, » dit d’un ton gouailleur une voix derrière le brasier.
    Dologhow répliqua qu’ils avaient mangé et qu’ils allaient continuer leur chemin. Jetant la bride de son cheval au soldat qui surveillait la marmite, il s’assit sur ses talons à côté de l’officier qui lui avait parlé. Ce dernier ne le quittait pas des yeux et lui demanda nouveau quel était son régiment. Dologhow fit semblant de ne pas l’entendre, préoccupé en apparence d’allumer sa pipe, de questionner à son tour les officiers sur le plus ou moins de sécurité des routes, et de s’informer

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