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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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l’inévitable loi de la nécessité, commune à tout être vivant. En le regardant, au contraire, à partir de notre expérience intime, de notre conscience, nous nous sentons libres.
    La conscience est la source de notre connaissance de nous-mêmes, entièrement séparée et indépendante de la raison. L’homme peut, grâce à la raison, s’observer lui-même ; il ne peut se connaître que par la conscience.
    Sans la conscience de soi, il est inutile de songer à aucune observation, aucune application de la raison.
    Pour comprendre, observer, conclure, l’homme doit d’abord se concevoir comme vivant. L’homme ne se connaît comme vivant qu’en se reconnaissant doué de volonté, en d’autres termes il n’a conscience que de sa volonté. Et cette volonté, essence de sa vie, il ne peut la concevoir autrement que libre.
    Durant le cours de ses observations sur lui-même, si l’homme s’aperçoit que sa volonté est toujours dirigée par une seule et unique loi, que ce soit la nécessité de trouver sa nourriture, le fonctionnement de son cerveau ou autre chose, il ne peut s’expliquer cela que par une limitation de sa volonté. Ce qui ne serait pas libre ne saurait être limité. Or, l’homme considère sa volonté comme limitée, justement parce qu’il ne la conçoit pas autrement que libre.
    Vous prétendez que vous n’êtes pas libres. Et moi, cependant, je puis lever et abaisser le bras. Chacun comprend que cette réponse illogique est une irréfutable démonstration de la liberté.
    Mais cette réponse provient de la conscience non soumise à la raison.
    Si la conscience que nous avons de notre liberté n’était pas indépendante de la raison, elle serait subordonnée à la raison et à l’expérience ; mais dans la réalité une telle soumission n’existe jamais et est inconcevable. Une suite d’expériences et de raisonnements démontre à chaque individu qu’en tant que sujet d’observation, il est soumis à certaines lois ; et il s’y soumet ; jamais il ne regimbe contre la loi de la gravitation ou la loi de l’imperméabilité, quand il l’a une fois reconnue. Mais cette même série d’expériences et de raisonnements lui démontre que la liberté complète dont il a conscience en lui-même est impossible, que chacun de ses actes dépend de son organisme, de son caractère et des mobiles qui agissent sur lui ; et pourtant jamais il ne se soumet à ces conclusions.
    Il sait par l’expérience et le raisonnement qu’une pierre tombe ; il le croit sans réserve, et dans toutes les occasions, il attend que joue cette loi qu’il a reconnue.
    Mais tout en sachant aussi incontestablement que sa volonté est soumise à des lois, il n’y croit pas et se refuse à croire.
    Quel que soit le nombre de fois où l’expérience et la raison lui ont démontré que dans les mêmes conditions où, avec le même caractère, il ferait exactement ce qu’il a déjà fait, bien que des milliers de fois, agissant dans les mêmes conditions, avec le même caractère, il soit arrivé à des résultats identiques, il continue imperturbablement à croire à sa liberté d’agir à sa guise, exactement comme avant ces expériences. Tout homme, le sauvage comme le penseur, malgré le raisonnement et l’expérience qui lui démontrent irréfutablement l’identité de ses actes dans des conditions identiques, sent que, privé de cette absurde croyance qui constitue l’essence de la liberté, il ne peut concevoir la vie. Il sent que, quelque impossible que cela soit, cela est ; car, privé de cette croyance en la liberté, non seulement il ne comprendrait pas la vie, mais encore il ne pourrait pas vivre un seul instant.
    Il ne pourrait pas vivre, parce que chacun des efforts de l’homme, chacun de ses élans, ne tendent qu’à augmenter sa liberté. Richesse, pauvreté ; gloire, obscurité ; puissance, sujétion ; force, faiblesse ; santé, maladie ; savoir, ignorance ; travail, désœuvrement ; satiété, famine ; vertu, vice, ne sont que des degrés plus ou moins élevés de la liberté.
    Se représenter un homme privé de liberté, c’est se le représenter privé de vie.
    Si, pour la raison, l’idée de liberté est entachée d’une absurde contradiction, comme le serait la possibilité d’accomplir deux actes à la fois ou bien l’idée d’un effet sans cause, cela prouve seulement que notre conscience n’est pas soumise à la raison.
    C’est cette conscience de notre

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