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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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minuscules personnages
s’activaient sur le rivage près de chez nous.
    C’est ça. » Les orbites de
mon père s’élargirent comme s’il avait encore ses yeux et contemplait à nouveau
le tableau.
    Je m’en souvenais avec
précision. Je me revoyais pensant au nombre de fois où je m’étais arrêtée à cet
endroit précis sans jamais voir Delft avec les yeux de ce peintre.
    « Vous voulez dire que cet
homme, c’était Van Ruijven ?
    — Le mécène ? »
Le père partit d’un petit rire.
    « Non, non, mon enfant, ce
n’était pas lui. C’était le peintre. Vermeer. C’était Johannes Vermeer et son
épouse. Tu es censée faire le ménage de son atelier. »
     
    *
     
    Aux quelques affaires que je
devais emporter, ma mère ajouta une coiffe, un col et un tablier de rechange
afin que je puisse chaque jour laver l’un, porter l’autre, et paraître ainsi
toujours impeccable. Elle me donna aussi un peigne en écaille en forme de
coquille ayant appartenu à ma grand-mère, parure trop raffinée toutefois pour
une servante. Elle ajouta à cela un livre de prières afin que je puisse
m’évader du catholicisme ambiant si j’en éprouvais le besoin.
    Tandis que nous préparions mes
affaires, ma mère m’expliqua pourquoi je devais aller travailler chez les
Vermeer. « Tu sais que ton nouveau maître est à la tête de la Guilde de
Saint-Luc et qu’il l’était l’an dernier, lors de l’accident de ton
père ? »
    Je hochai la tête, encore tout
étonnée d’avoir pour patron un tel artiste.
    « La Guilde veille sur les
siens du mieux qu’elle peut. Tu te rappelles la boîte dans laquelle ton père
mettait de l’argent chaque semaine depuis des années ? Eh bien, cet argent
est destiné à des artisans dans le besoin, comme c’est à présent notre cas.
Hélas, vois-tu, cette aide ne va pas bien loin, d’autant que Frans est en
apprentissage et qu’il ne ramène rien. Nous n’avons pas le choix. Nous
n’accepterons pas de vivre de la charité d’autrui tant que nous pourrons nous débrouiller
d’une autre façon. Ton père ayant entendu dire que ton nouveau maître cherchait
une servante pour faire le ménage de son atelier sans rien déplacer, il a
soumis ton nom en pensant qu’en sa qualité de directeur de la Guilde, et compte
tenu des circonstances, Vermeer nous viendrait sans doute en aide. »
    Je passais et repassais dans ma
tête ce que ma mère venait de dire.
    « Comment peut-on faire le
ménage d’une pièce sans rien déplacer ?
    — Bien sûr qu’il te faudra
bouger certains meubles ou objets mais tu devras veiller à les remettre à leur
endroit précis afin de donner l’impression que rien n’a été déplacé. Comme tu
le fais pour ton père maintenant qu’il n’y voit plus. »
    Après l’accident de mon père,
nous avions appris à placer les objets là où il était sûr de les trouver. Faire
cela pour un aveugle et faire cela pour un homme aux yeux de peintre étaient
choses bien différentes.
     
    *
     
    Agnès ne mentionna pas la
visite. Ce soir-là, quand je me glissai dans le lit à côté d’elle, elle demeura
silencieuse. Elle contemplait le plafond. Une fois la chandelle éteinte, la
pièce était si sombre que je ne pouvais rien voir. Je me tournai vers elle.
    « Tu sais, je n’ai aucune
envie de m’en aller, mais il le faut. »
    Silence.
    « Vois-tu, nous avons
besoin de cet argent. Nous n’avons rien maintenant que père ne peut plus
travailler.
    — Huit florins par jour,
ce n’est pas grand-chose. » Agnès avait la voix rauque, sa gorge semblait
voilée de toiles d’araignée.
    « Cela permettra à la
famille d’avoir du pain. Et un peu de fromage. C’est déjà quelque chose.
    — Et moi, je me
retrouverai toute seule. Tu m’abandonnes. D’abord Frans, et puis toi. »
    De nous tous, Agnès avait été
la plus bouleversée par le départ de Frans l’année précédente. Ils avaient eu
beau être comme chien et chat, Frans parti, elle avait boudé dans son coin
pendant des jours. Agée de dix ans, elle était la plus jeune de nous trois,
aussi ne savait-elle pas ce que c’était la vie sans Frans et moi.
    « Nos parents seront
toujours là. Et je reviendrai le dimanche. Rappelle-toi aussi que le départ de
Frans n’avait rien d’une surprise. » Nous savions depuis des années qu’à
l’âge de treize ans notre frère commencerait son apprentissage. Notre père
s’était donné beaucoup de mal pour mettre de

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