La jeune fille à la perle
d’âme pour toi. Tu vas donc
travailler pour ma fille. Elle est allée faire des courses. Tanneke que tu vois
ici te montrera la maison, elle t’expliquera tes tâches. »
J’acquiesçai de la tête.
« Oui, Madame. »
Tanneke, qui se tenait auprès
de la vieille femme, me bouscula pour passer. Je la suivis, les yeux de Maria
Thins rivés sur moi. Je l’entendis rire à nouveau.
Tanneke commença par m’emmener
à l’arrière de la maison, où se trouvaient la cuisine, la buanderie et deux
remises. La buanderie donnait sur une cour minuscule, encombrée de linge blanc
qui séchait.
« Il va falloir que tu
repasses ça pour commencer », annonça Tanneke. Je me retins de lui
répondre que le linge n’avait pas été suffisamment blanchi par le soleil de la
mi journée.
Revenant dans la maison, elle
me montra un trou au milieu du plancher de l’une des remises, avec une échelle
pour y descendre. « C’est ici que tu dormiras, annonça-t-elle. Pour le
moment, laisses-y tomber tes affaires, tu t’installeras plus tard. »
C’est à contrecoeur que je
lâchai mon baluchon dans ce trou obscur, pensant aux pierres qu’Agnès, Frans et
moi jetions dans le canal, en quête de monstres. Mes affaires atterrirent avec
un bruit sourd sur le sol de terre battue. J’avais l’impression d’être un
pommier perdant ses fruits.
Je suivis Tanneke dans le
vestibule, d’où l’on accédait à toutes les pièces, beaucoup plus nombreuses que
chez nous. Près de la salle de la Crucifixion où Maria Thins était assise se
trouvait une petite chambre avec des lits d’enfant, des vases de nuit, des
petites chaises et une table sur laquelle étaient posés pêle-mêle objets en
faïence, chandeliers, éteignoirs et vêtements.
« C’est ici que dorment
les filles », marmonna Tanneke, peut-être embarrassée par un tel désordre.
Plus loin dans le couloir, elle
ouvrit une porte et je vis une grande pièce, la lumière y entrait à flots par
les fenêtres de la façade, jouant sur les dalles rouges et grises. « La
grande salle, grommela-t-elle. C’est la chambre des maîtres. »
*
Leur lit était garni de rideaux
en soie verte. J’aperçus un grand buffet marqueté d’ébène, une table en bois
blanc que l’on avait poussée contre les fenêtres et des chaises en cuir
espagnol, là encore ce furent les tableaux qui retinrent mon attention. Il y en
avait davantage sur les murs de cette pièce que nulle part ailleurs. J’en
comptai dix-neuf. Il s’agissait surtout de portraits de membres des deux
familles. On voyait aussi un tableau de la Vierge Marie et un autre
représentant l’adoration des Mages. Je les regardai non sans certain malaise.
« Et maintenant, passons à
l’étage. » Tanneke me devança pour grimper les marches raides, puis elle
mit un doigt sur ses lèvres. Je la suivis en faisant le moins de bruit possible.
Une fois là-haut, je regardai autour de moi et je remarquai la porte fermée.
Derrière cette porte, c’était le silence, ce silence, je le savais, c’était
lui.
Je restai là, les yeux rivés à
la porte, n’osant bouger de peur qu’elle ne s’ouvre et qu’il ne sorte.
Tanneke se pencha vers moi en
murmurant :
« C’est ici que tu feras
le ménage, la jeune maîtresse t’expliquera ça plus tard. Ces pièces-là,
vois-tu, ajouta-t-elle en désignant du doigt des portes à l’arrière de la
maison, ce sont les chambres de ma maîtresse. Je suis la seule à y pénétrer
pour en faire le ménage. »
Nous redescendîmes sur la
pointe des pieds. De retour à la buanderie, Tanneke me dit : « Tu
devras faire la lessive de toute la maison. » Elle me montra un monceau de
vêtements. De toute évidence, j’aurais du mal à rattraper le retard accumulé
pour la lessive. « Il y a une citerne dans la cuisine, mais mieux vaut que
tu ailles au canal chercher l’eau, elle est à peu près propre par ici.
— Tanneke, lui demandai-je
tout bas, vous faisiez ça toute seule ? La cuisine, le ménage et la
lessive de toute la maison ? »
J’avais choisi les mots qu’il
fallait. « Et aussi une partie des courses. » Tanneke se rengorgeait
de son propre zèle. « En général, la jeune maîtresse les fait presque
toutes, mais quand elle est enceinte elle ne mange plus ni viande ni poisson
cru. Et c’est souvent, ajouta-t-elle en un murmure. Tu devras donc te rendre au
marché pour acheter la viande et le poisson, ça sera une autre de
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