La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
peut le devenir par le moyen de l’ale et de l’eau-de-vie, et lui, vous et moi, nous composons toute la partie de la garnison qui soit disposée à faire résistance.
– Comment ! ces autres chiens ne se battront-ils pas ?
– Je n’ai jamais vu personne qui en montrât une si faible velléité, jamais. Mais tenez, en voici deux. Venit summa dies. Hé ! hé ! hé !
Eviot et Buncle s’approchèrent avec un air de sombre résolution, en hommes qui avaient bien pris le parti de braver l’autorité à laquelle ils avaient obéi si long-temps.
– Comment ! s’écria Ramorny en marchant à leur rencontre ; pourquoi avez-vous abandonné votre poste ? pourquoi avez-vous quitté la redoute, Eviot ? Et vous, drôle, ne vous ai-je pas chargé de veiller aux mangonneaux ?
– Nous avons un mot à vous dire, sir John Ramorny, répondit Eviot ; et c’est que nous ne combattrons pas pour cette querelle.
– Quoi ! mes écuyers vouloir me faire la loi !
– Nous étions vos écuyers, vos pages, sir John, quand vous étiez grand-écuyer de la maison du duc de Rothsay. Le bruit court que le duc a cessé de vivre : nous désirons savoir là vérité.
– Quel est le traître qui ose répandre de pareils mensonges ? demanda Ramorny.
– Tous ceux qui sont sortis du château pour aller à la découverte, et moi parmi les autres, y ont rapporté la même nouvelle. La chanteuse qui s’est évadée hier a répandu partout le bruit que le duc de Rothsay a été assassiné ou est sur le point de l’être. Douglas arrive avec une force imposante, et…
– Et vous voulez profiter d’un bruit mensonger pour trahir votre maître, lâches que vous êtes ? s’écria Ramorny avec indignation.
– Sir John, dit Eviot, trouvez bon que Buncle et moi nous voyions le duc de Rothsay, et que nous recevions directement ses ordres ; et si nous ne défendons pas ensuite le château jusqu’à la mort, je consens à être pendu sur la tour la plus haute. – S’il est mort de mort naturelle, nous ouvrirons le château au comte de Douglas, qui est, dit-on, lieutenant-général du royaume. – Mais si, ce qu’à Dieu ne plaise ! le noble prince est mort assassiné, nous ne nous rendrons pas complices de ses meurtriers, quels qu’ils puissent être, en prenant leur défense.
– Eviot, dit Ramorny en levant son bras mutilé, si ce gantelet n’eût pas été vide, tu n’aurais pas vécu assez long-temps pour prononcer deux mots de ce discours insolent.
– N’importe, répondit le page, nous ne faisons que notre devoir. Je vous ai suivi long-temps, sir John ; mais à présent je retiens la bride.
– Adieu donc ! et malédiction sur vous tous ! s’écria le chevalier courroucé. Qu’on prépare mon cheval.
– Sa Vaillance va prendre la fuite, dit Dwining à Catherine dont il s’était approché sans qu’elle s’en aperçût. Catherine, vous êtes une folle superstitieuse, comme la plupart des femmes ; cependant vous n’êtes pas sans esprit, et je vous parle comme à un être doué de plus d’intelligence que ce troupeau de buffles qui nous entourent. Ces orgueilleux barons qui dominent le monde, que sont-ils dans le jour de l’adversité ? de la paille d’avoine que disperse le vent. – Que leurs mains frappent comme des marteaux, que leurs jambes, semblables à des piliers, éprouvent quelque accident, adieu les braves hommes d’armes ; le cœur et le courage ne sont rien pour eux, les membres et l’agilité sont tout. Donnez-leur la force animale, ce sont des taureaux furieux – Parvenez à les en priver, et vos héros, de la chevalerie ne sont plus que des chevaux dont on a coupé les jarrets. Il n’en est pas de même du sage. Tant qu’il reste un grain de bon sens dans son corps froissé et mutilé, son esprit est aussi fort que jamais. Catherine, ce matin je méditais votre mort ; mais il me semble que je ne suis pas fâché que vous me surviviez, afin que vous puissiez dire de quelle manière le pauvre apothicaire, le doreur de pilules, le pileur de drogues, le vendeur de poison, a subi son destin, en la compagnie du noble chevalier de Ramorny, vrai baron de fait, et comte de Lindores en perspective. – Que Dieu sauve Sa Seigneurie !
– Vieillard, dit Catherine, si vous êtes réellement si près de subir le destin que vous avez mérité, d’autres pensées vous conviendraient mieux que la vaine gloire d’une philosophie frivole. Demandez à voir un saint
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