La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
prince d’Écosse fut pris par un croiseur anglais, et quoiqu’il y eût alors une trêve entre les deux royaumes, Henry IV fut assez peu généreux pour le garder prisonnier. Ce dernier coup acheva de briser le cœur de l’infortuné Robert III. La vengeance suivit, quoique à pas lents, la trahison et la cruauté de son frère. À la vérité les cheveux blancs d’Albany descendirent en paix au tombeau, et il transmit à son fils Murdoch la régence qu’il avait acquise par des voies si criminelles. Mais dix-neuf ans après la mort du vieux monarque, Jacques I er revint en Écosse, et le duc Murdoch d’Albany expia sur l’échafaud, ainsi que ses enfans, les crimes de son père et les siens.
CHAPITRE XXXVI.
Nous retournerons maintenant près de la Jolie Fille de Perth, que Douglas, après la scène horrible qui s’était passée à Falkland, avait envoyée près de sa fille, la duchesse veuve de Rothsay ; pour être placée sous sa protection. Cette dame faisait alors sa résidence temporaire dans une maison religieuse nommée Campsie, dont les ruines occupent encore aujourd’hui une situation pittoresque sur les bords du Tay. Elle s’élevait sur le sommet d’une montagne escarpée qui descend dans ce beau fleuve, particulièrement remarquable en cet endroit par la cataracte nominée Campsie-Linn, où ses eaux se précipitent en tumulte par-dessus une chaîne de rochers de basalte qui en arrête le cours comme une digue élevée par la main de l’homme. Charmés de la beauté d’un site si romantique, les moines de Cupar y élevèrent un édifice dédié à un saint obscur nommé saint Hunnand, et ils avaient coutume de s’y retirer, soit pour jouir de la vue de ce paysage pittoresque, soit pour se livrer au recueillement de la dévotion. Ils en avaient ouvert les portes avec empressement pour y recevoir la noble dame qui y demeurait en ce moment, tout ce pays étant sous l’influence du puissant lord Drummond, allié de Douglas. La lettre du comte fut remise à la duchesse par le chef de l’escorte qui conduisait à Campsie Catherine et Louise. Quelque raison qu’elle eût de se plaindre de Rothsay, sa fin tragique et inattendue fit une vive impression sur cette noble dame, et elle passa la plus grande partie de la nuit à se livrer à son chagrin et à des exercices de piété.
Le lendemain matin, qui était celui du mémorable dimanche des Rameaux, la duchesse fit venir en sa présence Catherine et Louise. Toutes deux étaient encore plongées dans un accablement causé par les scènes horribles qui s’étaient passées si récemment sous leurs yeux, et l’air de la duchesse Marjory, comme celui de son père, était fait pour inspirer une crainte respectueuse plutôt que pour attirer la confiance. Elle leur parla pourtant avec bonté, quoiqu’elle parût plongée dans une profonde affliction, et elle apprit d’elles tout ce qu’elles pouvaient lui dire du destin d’un époux imprudent et égaré. Elle se montra reconnaissante des efforts que Catherine et Louise avaient faits pour sauver Rothsay du sort horrible qui lui était destiné. Elle les invita à se joindre à ses prières, et quand l’heure du dîner arriva, elle leur donna sa main à baiser et les congédia en les assurant toutes deux, et particulièrement Catherine, de sa protection, qui leur garantirait, dit-elle, celle de son père, et qui serait pour l’une et l’autre un mur de défense aussi long-temps qu’elle vivrait elle-même.
Elles quittèrent la princesse veuve pour aller prendre leur repas avec ses duègnes et ses dames, dont, au milieu de leur profond chagrin, l’air de dignité imposante glaça le cœur léger de la chanteuse française, et fit même éprouver quelque contrainte au caractère plus sérieux de Catherine Glover. Les deux amies, car nous pouvons les nommer ainsi, ne furent donc pas fâchées de se dérober à la société de ces dames qui, étant toutes de noble naissance, croyaient y déroger en admettant dans leur compagnie la fille d’un bourgeois et une chanteuse errante, et qui les virent avec plaisir sortir pour aller faire une promenade dans les environs du couvent. Un petit jardin, rempli d’arbustes et d’arbres fruitiers, s’avançait d’un côté du monastère jusqu’au précipice, dont il n’était séparé que par un parapet construit sur le bord du rocher, et si peu élevé que l’œil pouvait mesurer la profondeur de l’abîme, et voir l’eau du fleuve se
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