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La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)

La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)

Titel: La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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visibles, que l’animal semblait avancer par sa propre volonté et porter un cavalier trop indolent pour le conduire.
    Le prince était couvert de vêtemens fort riches, mais il régnait dans toute sa toilette une extrême négligence. Quoique sa taille fût petite et ses membres délicats, sa tournure était élégante et ses traits étaient beaux. Mais un air de souffrance répandu sur son visage paraissait produit par les soucis ou la dissipation, ou peut-être par ces deux causes réunies. Ses yeux étaient ternes et cernés par les veilles et les débauches de la nuit précédente, tandis que ses joues, d’un rouge enflammé, attestaient ou la fatigue de l’orgie nocturne ou le secours que le prince avait cherché dans des liqueurs spiritueuses pour en détruire l’effet.
    Tel était le duc de Rothsay, l’héritier de la couronne d’Écosse, objet d’intérêt autant que de compassion. Chacun se découvrit et lui ouvrit un passage, tandis qu’il répétait négligemment : – Ne vous pressez pas, ne vous pressez pas ; j’arriverai toujours assez tôt dans le lieu où je me rends. – Mais que vois-je ? Une damoiselle de la gaie science ! par saint Giles ! et une jolie fille encore – Ne vous dérangez pas, vous dis-je ; jamais musique ne fut troublée par moi. Une jolie voix, par la messe ! Recommencez encore ce couplet, jeune fille.
    Louise ne connaissait pas le jeune homme qui lui parlait. Mais le respect général que chacun lui portait, et l’aisance avec laquelle il recevait les marques de déférence, disaient assez que c’était un homme du plus haut rang. Elle recommença, et chanta de son mieux. Le jeune duc devint pensif vers la fin de la romance. Mais il n’avait pas l’habitude de conserver long-temps une impression mélancolique.
    – Voilà des couplets bien tristes, ma jolie brune, dit-il en caressant la jeune chanteuse sous le menton et la retenant par le collet de son habit, ce qui n’était pas difficile, ayant arrêté son cheval près de la marche sur laquelle la jeune fille était placée. – Mais je gagerais que vous savez des chansons plus gaies, ma bella tenebrosa , et que vous pouvez chanter sous un abri de verdure comme au milieu d’une plaine, et la nuit tout aussi bien que le jour.
    – Je ne suis point un rossignol, milord, répondit Louise essayant d’échapper à un genre de galanterie qui ne convenait pas aux lieux où elle se trouvait, circonstance à laquelle celui qui lui parlait ne semblait pas faire la moindre attention.
    – Qu’avez-vous là, mon enfant ? ajouta le prince en lâchant le collet de l’habit de Louise pour saisir la mallette qu’elle portait.
    Louise défit adroitement le nœud du ruban, et laissant le petit sac entre les mains du prince, elle s’éloigna en disant : – Ce sont des noisettes, milord, des noisettes du dernier printemps.
    Le prince en prit sa main pleine, et s’écria : – Des noisettes, jeune fille ! elles briseront tes dents d’ivoire, elles gâteront ta jolie voix ; en prononçant ces mots il en cassa une entre ses dents, comme un écolier de village.
    – Ce ne sont pas des noisettes de mon beau pays, dit Louise ; mais l’arbre était peu élevé, et les fruits à la portée de la main du pauvre.
    – Vous aurez quelque chose qui vous procurera une meilleure nourriture, dit le duc d’un accent où il y avait plus de bonté que dans sa galanterie dédaigneuse et affectée.
    Au moment où il se détournait pour demander sa bourse à quelqu’un de sa suite, le prince rencontra le regard sévère et perçant d’un grand homme noir monté sur un cheval gris de fer, qui était entré avec ses gens tandis que le duc de Rothsay causait avec Louise, et qui restait pétrifié par la colère et la surprise que lui occasionnait un spectacle si inconvenant. Celui qui n’eût point encore vu Douglas-le-Noir l’aurait reconnu à son teint basané, à sa taille gigantesque, à son buffetin ou justaucorps de peau de taureau, à son air calme, courageux et réfléchi, mêlé à une fierté indomptable. Il avait perdu un œil à la guerre, et quoique ce malheur ne fût pas visible au premier abord, la prunelle étant restée intacte, sa physionomie en conservait une expression morne et immobile.
    La rencontre du gendre royal et de son terrible beau-père dans de telles circonstances captiva l’attention de tous ceux qui étaient présens. Chacun en attendait l’issue en silence, et retenait sa respiration

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