La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
mon gracieux souverain, avec le pauvre George de Dunbar qu’on a voulu perdre dans l’esprit de Votre Majesté, et qui dans le moment du danger serait peut-être plus fidèle à votre royale personne que ses accusateurs.
– En vérité, cousin, on a eu de trop grands torts envers vous ; mais, croyez-moi, nous tâcherons de les réparer.
– Si Votre Majesté le désire, interrompit le comte, ils peuvent l’être en effet ; le prince et Marjory Douglas sont proches parens ; la dispense de Rome fut accordée sans les formalités nécessaires ; – leur mariage ne peut être valide. – Le pape disposé à tout faire pour un monarque si religieux rompra cette union peu chrétienne, en raison du premier contrat. Réfléchissez bien, sire, continua le comte enflammé par les pensées ambitieuses auxquelles cette occasion imprévue de plaider lui-même sa propre cause avait donné lieu, réfléchissez à votre choix entre Douglas et moi. Il est grand et puissant, j’en conviens ; mais George de Dunbar porte les clefs d’Écosse à sa ceinture, et pourrait amener une armée aux portes d’Édimbourg avant que Douglas pût quitter les limites de Cairntable pour s’y opposer. Votre royal fils aime ma pauvre fille abandonnée, il hait l’orgueilleuse Marjory de Douglas. Votre Majesté peut juger du respect qu’il lui porte par sa conduite avec une chanteuse errante, même en la présence de son beau-père.
Le roi avait écouté les raisonnemens du comte avec l’attention troublée d’un timide cavalier emporté par un cheval impétueux dont il ne peut ni arrêter ni diriger la course. Mais les derniers mots éveillèrent dans son esprit la pensée du danger que courait son fils. Il dit d’une voix troublée : – Ô Dieu ! cela est trop vrai. – Mon fils ! – Douglas ! – Ah ! mon cher cousin, évitez que le sang ne soit répandu, et tout sera comme vous le désirez. – Écoutez, j’entends du bruit, c’est le choc des armes.
– Par ma couronne de comte ! par ma foi de chevalier ! dit March regardant à la fenêtre qui donnait sur la cour intérieure du couvent, alors pleine de gens armés brandissant leurs sabres, et dont les échos répétaient le bruit du choc des armures. L’entrée voûtée et profonde était remplie de guerriers aussi bien que son extrémité ; on pouvait prévoir qu’un combat allait s’engager entre ceux qui essayaient de fermer la porte et ceux qui se pressaient pour la franchir.
– Je vais me rendre dans la cour, continua le comte de March, et réprimer promptement cette querelle subite, suppliant humblement Votre Majesté de réfléchir à ce que j’ai eu la hardiesse de lui proposer.
– Je le ferai, je le ferai, beau cousin, dit le roi, songeant à peine à quoi il s’engageait. Allez, prévenez le tumulte, et empêchez que le sang ne soit répandu.
CHAPITRE XI.
Nous devons raconter maintenant plus en détail les événemens qui avaient été vus d’une manière peu distincte de la fenêtre des appartemens royaux, et peut-être racontés plus inexactement encore par ceux qui en avaient été les témoins. La jeune fille dont nous avons déjà parlé s’était placée dans un lieu où deux larges marches donnant accès au grand escalier lui avaient offert l’avantage d’être d’un pied et demi plus élevée que ceux qui étaient dans la cour, et qu’elle espérait de voir composer son auditoire. Elle portait l’habillement de son état ; il était plus fastueux que riche, et dessinait les formes de sa personne plus que ne le faisaient alors les vêtemens des autres femmes. Elle avait posé près d’elle son manteau et un petit panier qui contenait sa mince garderobe ; un jeune chien de la race des épagneuls était couché près de son bagage et semblait le garder. Une jaquette d’un bleu d’azur ouverte par-devant, brodée d’argent, et serrant la taille de la chanteuse, laissait voir plusieurs camisoles de soie de différentes couleurs, dont la coupe dessinait les contours des épaules et de la poitrine. Une petite chaîne d’argent autour du cou se perdait parmi les camisoles, et reparaissait de nouveau pour montrer une médaille du même métal qui indiquait dans quelle cour ou société de ménestrels la jeune fille avait pris ses degrés dans la gaie ou joyeuse science. Une petite mallette ou sachet de cuir suspendue par-dessus ses épaules au moyen d’un ruban de soie bleue pendait sur son côté gauche.
Son teint brun,
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