La lanterne des morts

gouvernèrent sans le peuple, souvent contre lui, la «gauche» ayant disparu avec ses représentants, de Marat à Robespierre en passant par Hébert et Babeuf. Sous le Directoire, ils achevèrent leur œuvre de destruction en instaurant une dictature militaire dont Bonaparte fut l’instrument. On connaît la suite…

    MÉCHANTES GENS…
    Louis XVIII , ancien comte de Provence et frère de Louis XVI, revint en France dans les fourgons de l’étranger après l’abdication de Napoléon. Dès le retour de celui-ci lors des «Cent-Jours», Louis XVIII reprit le chemin de l’exil: il en avait une certaine habitude… Vieillard goutteux, obèse, hydropique, quasi paralysé, il couvrit la Terreur blanche de 1815: cent mille arrestations, massacres, bannissement des régicides, autodafés de livres par les jésuites, assassinats du maréchal Brune et du général Ramel. Il fit fusiller le maréchal Ney, les généraux Mouton-Duvernet, César, Constantin de Faucher et même le général-comte Charles-Angélique Huchet de La Bedoyère.
    Charles X fut le dernier des Bourbons à régner. L'ancien comte d’Artois, frère du précédent, était connu dans sa jeunesse pour sa rare bêtise: sur ce chapitre, l’âge mûr tint toutes les promesses de l’âge tendre. Réactionnaire et autoritaire, il supprima la liberté de la presse avant d’être chassé par l’émeute en 1830. C'était son troisième exil, il aurait pu faire la route les yeux fermés…
    Mme la comtesse Marie-Charlotte de Juignet-Tallouart rallia le Directoire, puis l’Empire, puis les Bourbons. Elle aimait rappeler son passé d’amazone des guerres de Vendée.
    Elle épousa une immense fortune en la personne d’un fournisseur aux armées qui eut le bon goût de mourir un an plus tard après l’ingestion d’un plat aux champignons mitonné par le cuisinier de la comtesse, un Lombard à l’air fourbe… À la Restauration, on fêta comme il se doit celle qui avait bu le sang des régicides.
    Lors de la révolution de 1830, alors qu’à soixante ans sa grande beauté s’était un peu flétrie et son nom sombré dans l’oubli, elle tomba pour la première fois de sa vie follement amoureuse. Il s’agissait d’un ancien Mamelouk de Napoléon. Bel homme aux farouches yeux noirs et grosses moustaches, il gouverna les sens de la dame, profita largement de sa fortune et l’envoya à la cuisine avec le petit personnel. Peu rancunière, elle lui fit construire une jolie mosquée dans sa propriété de Chevreuse. Préparant des confitures à l’office, elle aimait répéter, le regard rêveur: «Ce que l’amour vous fait faire, tout de même!»
    Les Muscadins appartenant à la jeunesse dorée étaient connus sous le Directoire pour l’assassinat de Jacobins, en toute impunité. En bandes, ils aimaient semer la terreur dans les quartiers ouvriers.
    Quatre d’entre eux s’attaquèrent une nuit au cimetière de la Madeleine où, à l’initiative du général Valencey d’Adana, on avait ramené les corps de l’ancien chirurgien Florent de Saint-Frégant, de Bernardin des Essarts, marquis de La Mellerie et de Jacques Dumesnil. Ils décapitèrent la statue de la déesse Terpsichore, s’attaquèrent au monument et n’allèrent pas plus avant, ayant été dérangés.
    Afin qu’on se le tînt pour dit une fois pour toutes, une heure plus tard, les quatre têtes des Muscadins furent déposées au pied de la statue décapitée de Terpsichore tandis que d’inquiétants et officieux émissaires «conseillaient vivement» aux familles des riches dévoyés de réparer les destructions, ce qui fut fait dans la semaine.
    La police secrète ne plaisantait jamais, et surtout pas avec l’amitié…

    CEUX QUI NE FURENT POINT MÉCHANTES GENS MAIS TOUT LE CONTRAIRE…
    Jean-Baptiste , l’ancien Vendéen rallié à la République, à moins que ce ne fût surtout à Victoire de La Chesnaie de Flers, fit carrière dans l’armée. Capitaine de cuirassiers, il fut tué à Wagram.
    Le baron de Penchemel accueillit sa fille à son retour d’émigration. Son fils, colonel dans l’armée impériale, fut tué devant Smolensk.
    Le baron demeura républicain toute sa vie et fréquenta assidûment le prince et la princesse d’Adana.
    Dawson et sa jolie épouse Léonore s’éloignèrent de Paris lors de la chute de Robespierre. Ils s’installèrent à Aix-en-Provence où ils vécurent heureux et fort riches, l’Anglais ayant vendu ses affaires hollandaises.
    En 1797,