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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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tu seras pendu pour avoir trop
aimé les saucisses, répondait Ulenspiegel.
    À ce propos, le voleur s’enfuit prestement, tandis que le
marchand volé criait :
    – Au larron ! sus au larron !
    Mais il était trop tard.
    Pendant qu’Ulenspiegel parlait, les deux riches juifs, qui
avaient écouté avec attention, s’approchèrent de lui et lui
dirent :
    – Que vends-tu là, Flamand ?
    – Des sachets, répondit Ulenspiegel.
    – Que voit-on, demandèrent-ils, au moyen de tes graines
prophétiques ?
    – Des événements futurs, quand on les suce, répondit
Ulenspiegel.
    Les deux juifs se concertèrent, et le plus âgé dit à
l’autre :
    – Verrions ainsi quand notre Messie viendra ; ce serait
pour nous une grande consolation. Achetons un de ces sachets.
Combien les vends-tu ? dirent-ils.
    – Cinquante florins, répondit Ulenspiegel. Si vous ne voulez pas
me les payer, troussez votre bagage. Celui qui n’achète pas le
champ doit laisser le fumier où il est.
    Voyant Ulenspiegel si décidé, ils lui comptèrent son argent,
emportèrent l’un des sachets et s’en furent en leur lieu
d’assemblée, où bientôt accoururent en foule tous les juifs,
sachant que l’un des deux vieux avait acheté un secret par lequel
il pouvait savoir et annoncer la venue du Messie.
    Connaissant le fait, ils voulurent sucer sans payer au sachet
prophétique, mais le plus vieux, qui l’avait acheté et se nommait
Jéhu, prétendit le faire seul.
    – Fils d’Israël, dit-il tenant en main le sachet, les chrétiens
se moquent de nous, on nous chasse d’entre les hommes et l’on crie
après nous comme après des larrons. Les Philistins veulent nous
abaisser plus bas que la terre ; ils nous crachent au visage,
car Dieu a détendu nos arcs et a secoué le frein devant nous.
Faudra-t-il longtemps encore, Seigneur, Dieu d’Abraham, d’Isaac et
de Jacob, que le mal nous arrive lorsque nous attendons le bien, et
quand nous espérons la clarté que les ténèbres viennent ?
Paraîtras-tu bientôt sur la terre, divin Messie ? Quand les
chrétiens se cacheront-ils dans les cavernes et dans les trous de
la terre à cause de la frayeur qu’ils auront de toi et de ta gloire
magnifique lorsque tu te lèveras pour les châtier ?
    Et les juifs de s’exclamer :
    – Viens, Messie ! Suce, Jéhu !
    Jéhu suça et rendant sa gorge, s’exclama piteusement :
    – Je vous le dis, en vérité, ceci n’est que du bren, et le
pèlerin de Flandres est un larron.
    Tous les juifs alors, se précipitant, ouvrirent le sachet,
virent ce qu’il contenait et allèrent en grande rage à la foire
pour y trouver Ulenspiegel qui ne les avait pas attendus.

L
     
    Un homme de Damme ne pouvant payer à Claes son charbon, lui
donna son meilleur meuble, qui était une arbalète avec douze
carreaux bien affilés pour servir de projectiles.
    Aux heures où l’ouvrage chômait, Claes tirait de
l’arbalète : plus d’un lièvre fut tué par lui et réduit en
fricassée pour avoir trop aimé les choux.
    Claes alors mangeait goulûment, et Soetkin disait, regardant la
grand’route déserte :
    – Thyl, mon fils, ne sens-tu point le parfum des sauces ?
Il a faim maintenant sans doute. Et toute songeuse, elle eût voulu
lui garder sa part du festin.
    – S’il a faim, disait Claes, c’est de sa faute ; qu’il
revienne, il mangera comme nous.
    Claes avait des pigeons ; il aimait, de plus, à entendre
chanter et pépier autour de lui les fauvettes, chardonnerets,
moineaux et autres oiseaux chanteurs et babillards. Aussi tirait-il
volontiers les buses et les éperviers royaux mangeurs de
populaire.
    Or, une fois qu’il mesurait du charbon dans la cour, Soetkin lui
montra un grand oiseau planant en l’air au-dessus du colombier.
    Claes prit son arbalète et dit :
    – Que le diable sauve son Epervialité !
    Ayant armé son arbalète, il se tint dans la cour en suivant tous
les mouvements de l’oiseau, afin de ne pas le manquer. La clarté du
ciel était entre jour et nuit. Claes ne pouvait distinguer qu’un
point noir. Il lâcha le carreau et vit tomber dans la cour une
cigogne.
    Claes en fut bien marri ; mais Soetkin le fut davantage et
s’écria :
    – Méchant, tu as tué l’oiseau de Dieu. Puis elle prit la cigogne
vit qu’elle n’était blessée qu’à l’aile, alla quérir du baume, et
disait tout en lui vêtissant sa plaie :
    – Cigogne, m’amie, il n’est habile à toi que l’on aime, de
planer dans le ciel comme

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