La Légion Des Damnés
refusé de servir dans les SS ; puis exécuté pour s'être volontairement fait écraser un pied par un tank.
Près du peloton n° 5, le lieutenant Huber, dix-neuf ans, un vrai copain pour ses hommes. Les deux jambes arrachées en avril 1943, mort dans les barbelés après une longue agonie, en appelant sa sœur Hilde.
Canonnier Kurt Breiting, seize ans, mort dans les affres de l'enfer après qu'un obus au phosphore lui eut explosé entre les doigts, dans le train blindé, en juin 1943.
Le petit Willy Pallas, toujours souriant, tué en cette même occasion.
Ernst Valkas, canonnier, dont le cerveau éparpillé m'avait englué la figure.
Oberleutnant von Sandra, éventré par un obus.
Lieutenant Bruno Haller, trente-cinq ans, qui bondit hors d'un tank incendié avec son frère, le sous-officier Paul Haller, dans les bras. Morts tous deux dans des souffrances atroces. Brûlures de phosphore. Enterrés main dans la main à Berditschev. Ensemble, ils étaient passés par les camps de concentration et les bataillons disciplinaires d'Adolf Hitler. ensemble, ils reposaient dans la terre glacée de la steppe russe.
Dieu, si Vous existez, faites que cette innombrable armée de morts défile éternellement sous les yeux des maréchaux responsables ! Faites que le piétinement lugubre des souliers de ces soldats morts ne leur laissent pas un instant de paix ! Obligez-les à regarder en face ces centaines de milliers de regards accusateurs ! Que les mères, les femmes, les sœurs, défilent devant eux et leur jettent éternellement à la face la liste des crimes qu'ils ont commis, eux et leurs officiers d'état-major, qui ont organisé ces massacres hideux pour plaire à un petit bourgeois sans talent, un peintre en bâtiment aux trois quarts hystérique...
Je me rends compte, avec un sursaut, que le sergent-chef vient de me présenter son rapport. Je salue et prends le commandement :
— Compagnie 5... Compagnie... Arme sur l'épaule !
Les mouvements de ces hommes mal entraînés sont d'une maladresse incroyable. La plupart d'entre eux n'ont subi que trois semaines de « formation accélérée ».
— Compagnie... Demi-tour... droite ! En avant-marche !
S'enfonçant dans la boue jusqu'aux chevilles, deux cents pièces de chair à canon partent sur la route, vers les positions qui leur ont été assignées.
L'Oberstleutnant Von Barring et moi sommes en train de nous saouler la gueule, à la lueur clignotante d'un rat de cave, dans le gourbi de ma compagnie.
Devant nous, trône, batterie de bouteilles de cognac et de vodka, les unes vides, les autres encore à moitié pleines.
Les nerfs de Von Barring sont tellement à vif qu'il ne peut plus supporter de rester lucide. Quand il n'est pas ivre, il entre dans de telles rages que nous devons l'attacher pour l'empêcher de se blesser ou de blesser quelqu'un d'autre. Le seul moyen de le tenir plus ou moins en laisse, c'est de boire avec lui. Hinka et moi nous relayons dans cette tâche, car nous ne pourrions jamais suivre son rythme de consommation. Maintenu perpétuellement dans une sorte d'ivresse comateuse, il paraît presque normal et raisonne avec cohérence :
— Sven, la saloperie de tout ça dépasse les bornes...
Il emplit une chope de vodka, la vide comme s'il s'agissait d'une chope de bière.
— Quand on pense à tout ce que ces salauds d'Adolf et de Goebbels nous ont fourré dans le crâne, ça semble invraisemblable ! Est-ce qu'on rêve, ou bien est-ce possible que toute une nation ait avalé et digéré tant de mensonges et de contradictions ? Qu'est-ce qu'on a, nous autres Allemands ? On sait tous qu'on va droit à l'enfer, et on l'a toujours sut Est-ce qu'on a tous envie de se suicider ? Est-ce qu'on peut être vraiment aussi stupide que nous le paraissons ? Aussi aveugles et affamés de pouvoir ? Aussi cons ? Je crois qu'on est tous fous... Moi, je sais que je le suis, et c'est pas d'aujourd'hui...
Von Barrin
Tu te souviens de quand Adolf gueulait à la radio: « Si je veux conquérir Stalingrad, ce n'est pas parce que le nom me plaît, c'est parce qu'il est nécessaire que cet important centre nerveux du trafic fluvial soviétique soit arraché à l'ennemi, et je prendrai Stalingrad quand je jugerai le moment venu ! » Et quelques semaines plus tard, après la capture de la 6 e Armée, nouveaux beuglements du petit fumier; sous les acclamations hystériques de ces crétins de membres du parti : « Quand je me suis rendu compte de
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