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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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portière d’une énorme Adler dont les chromes étincelants détonnaient dans cet univers mutilé, son chauffeur paraissait transi.
    — Attention, Herr Schindler, les trottoirs sont aussi glacés que les dessous d’une veuve.
    Cette petite scène hivernale pourrait donner le ton. Jusqu’à sa mort, le grand jeune homme continuerait à porter des costumes irréprochables. Il aurait – en tant qu’industriel – des voitures de fonction impeccables ; il serait toujours – bien qu’Allemand, et à ce moment de l’Histoire, Allemand ne manquant pas d’entregent – le type d’individu avec lequel un chauffeur polonais pourrait se permettre de plaisanter sans forcer la note.
    Les personnages que nous allons découvrir dans ce récit nous obligeront toutefois à la forcer, cette note. Car ceci est l’histoire d’une lutte de tous les instants pour que la vie triomphe de la mort. Le nombre des survivants pourra nous donner une mesure de ce que fut cette victoire. Raconter ce que furent la Bête et son ignominie permet d’être direct et concis. Il est moins difficile en effet de se pencher sur le mal que d’entreprendre un récit où triomphe la vertu.
    « Vertu », c’est un mot à ce point dangereux qu’il nous faut l’expliquer. Oskar Schindler n’est pas un personnage vertueux dans le sens où on l’entend généralement. L’homme avait un fort relent de mâle. Il se permettait d’héberger dans son luxueux appartement de Cracovie une maîtresse allemande, tout en recevant de temps à autre sa secrétaire polonaise et sa femme Emilie qui, en dehors de quelques courtes visites, restait prudemment dans la maison familiale de Moravie. Un bon point cependant : il fut avec toutes un amant généreux et attentionné. Est-ce à dire que la vertu y trouvait son compte ? Je n’irai pas jusque-là.
    C’était aussi un grand buveur. Pour le plaisir, mais aussi pour obtenir de ses associés ou des fonctionnaires SS qu’il fréquentait quelques résultats tangibles. Il avait la rare capacité de garder la tête froide dans les pires beuveries. Ce n’est pas une excuse mais un constat. Et si les mérites de Schindler ne prêtent pas à controverse, il faut néanmoins rappeler qu’il a accepté d’agir dans ce cadre de bestialité et de corruption qui a plongé l’Europe dans un univers concentrationnaire. Commençons donc par tenter de cerner le personnage.
    Parvenue à l’extrémité de la Straszewskiego, la voiture longea le château de Wawel où siégeait Hans Frank, gouverneur général de Pologne. Aucune lumière ne filtrait des fenêtres. Pas plus Schindler que son chauffeur ne jetèrent un œil en direction du château. La voiture se dirigeait vers le pont Podgorze truffé de sentinelles qui veillaient à ce qu’aucune personne « non autorisée » ne franchisse la Vistule pour se rendre de Podgorze à Cracovie. Herr Schindler n’était pas de ceux-là. Il traversait fréquemment le barrage, soit pour se rendre à son usine (où il disposait d’un autre appartement), soit pour revenir à la Straszewskiego. Qu’il fût en costume ou en smoking, Herr Schindler savait que les sentinelles ne chercheraient pas à savoir s’il allait à une soirée galante ou à un dîner d’affaires. Peut-être se rendait-il – c’était le cas ce soir-là – au camp de travaux forcés de Plaszow, situé à dix kilomètres de la ville, pour dîner avec le Hauptsturmführer SS Amon Goeth, grand noceur, lui aussi, mais d’une autre espèce. Herr Schindler ne manquait jamais de distribuer généreusement cadeaux et alcools au moment de Noël, ce qui lui valait la sympathie des gardes. Le passage du contrôle de Podgorze s’effectua sans excès de formalités.
    A ce point de l’histoire, on peut supposer que, malgré son penchant pour la bonne chère et les bons vins, Oskar Schindler n’était pas particulièrement heureux à l’idée de dîner chez le commandant Goeth. En fait, manger et picoler chez Amon n’était jamais une affaire ragoûtante. Mais le dégoût qu’éprouvait Schindler ne l’empêchait pas d’apprécier le piquant de la situation : il allait plonger dans cette sorte d’abomination que les justes semblent éprouver pour les damnés des peintures médiévales. Ce genre d’émotion pouvait ragaillardir un type de la trempe d’Oskar. Pendant que le chauffeur poursuivait sa course à travers le quartier qui était hier encore le ghetto juif, Herr Schindler, à l’arrière,

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