La malédiction des templiers
Chaykin, fit-il avec un nouveau coup d’œil vers la jeune femme, d’excuse cette fois. Le rapport des spécialistes en explosifs vient d’arriver. C’était du sérieux. Vingt livres de C4 connectées à un téléphone portable.
Reilly prit rapidement connaissance du contenu du feuillet.
— Pas d’identifiants ?
— Aucun.
— Qu’est-ce qu’un identifiant ? demanda Tess.
— Les fabricants d’explosifs comme le C4 ou le Semtex sont obligés par les conventions internationales d’ajouter des marqueurs chimiques spécifiques à leurs produits, afin de permettre d’identifier leur provenance en cas de besoin, lui expliqua Ertugrul. Et le plus surprenant, c’est que le système fonctionne. On trouve rarement du matériel sans identifiant. Même si on en a vu pas mal ces dernières années dans un endroit précis : en Irak, dans des voitures piégées.
— Des voitures piégées attribuées à des insurgés soutenus par l’Iran, précisa Reilly.
Ertugrul se tourna une fois de plus vers son collègue.
— La conception de la bombe était identique à celle des dispositifs qu’on a observés là-bas : la façon dont le tableau du circuit était monté et amorcé. Les points de soudure sur le capuchon des détonateurs. Jusqu’au réseau de fils. Le gars qui a fabriqué ce joujou a dû avoir le même maître en djihad pour professeur. On n’a peut-être pas grand-chose, poursuivit-il en regardant Reilly avec attention, mais tout ce qu’on a semble pointer dans la même direction : Téhéran.
Reilly remarqua que cette mention entraînait un notable durcissement de la mâchoire de l’homme des services secrets turcs. Turcs et Iraniens n’étaient pas les meilleurs amis du monde. Les Iraniens, ce n’était pas un secret, apportaient depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années leur soutien aux séparatistes du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, leur fournissant armements et explosifs, participant à leurs opérations de trafic de drogue. Que les militants kurdes aient élargi le cadre de leurs opérations à l’intérieur même du territoire iranien au cours de ces dernières années n’avait apporté aux Turcs qu’une maigre consolation après une si longue période de tension. Si leur proie – un individu déjà recherché en Turquie pour avoir décapité l’institutrice de la fille de Sharafi – était un agent iranien, les Turcs voudraient à coup sûr lui mettre la main dessus et l’exposer en pleine lumière face à une communauté internationale indignée.
Après avoir gravi une pente assez raide, ils atteignirent l’échangeur de Karayolu, d’où l’on avait une vue de la ville dans toute sa splendeur. Ses sept collines s’élevaient au loin, dominée chacune par une mosquée monumentale dont les dômes massifs et trapus et les minarets fuselés donnaient à la cité impériale son cachet unique, d’un autre monde. Plus loin, sur leur droite, s’élevait Hagia Sophia, Sainte-Sophie, l’église de la sagesse divine, durant près d’un millénaire la plus grande basilique du monde avant d’être convertie en mosquée après la conquête de Constantinople par les Ottomans, en 1453. Jadis baptisée « la ville du désir du monde », capitale impériale ayant enduré plus de sièges et d’assauts que toute autre cité du globe, Istanbul était la seule ville de la planète à cheval sur deux continents. Depuis sa fondation, plus de deux mille ans auparavant, c’était un lieu de rencontre, et d’affrontement, entre Orient et Occident. Un double rôle qu’apparemment elle était destinée à continuer de jouer.
— Quelque chose m’intrigue, reprit Ertugrul. D’après toi, notre cible viendrait à Istanbul dans le but de retrouver l’emplacement d’un ancien monastère ?
— Le Templier au cœur de toute cette affaire est un chevalier du nom de Conrad. On ne sait que très peu de chose sur son compte, mais les gars qui fouillent dans les archives du Vatican ont trouvé des références le concernant dans les microfiches du Registre, expliqua Reilly. C’est ce que recherchait notre cible. Le Conrad en question se trouvait à Chypre après que les croisés eurent été chassés d’Acre, en 1291. Simmons détenait déjà cette information. Mais le Registre en contenait d’autres, sur ce qui lui est arrivé après cet épisode.
Il passa le relais à Tess, qui s’en empara de bonne grâce.
— Dans les mois et les années qui ont
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