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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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Keinec arrivait avec les chevaux. Pinard, pieds et poings liés, était couché en travers sur l’encolure de celui que montait son gardien. Marcof et Boishardy se mirent en selle, et partirent au galop. La rapidité de la course rafraîchit le sang du marin. Son cerveau se dégagea et il secoua la tête.
    – Oh ! j’en ai bien tué ! furent ses premières paroles.
    – Oui ! répondit joyeusement le gentilhomme. La nuit a été bonne, et la compagnie Marat en garde mémoire ! Vous n’êtes pas blessé, au moins ?
    – Je ne crois pas.
    – À la bonne heure ! Et toi, Keinec ?
    – Moi, répondit le Breton en fermant les poings, je n’ai rien fait ! Marcof a agi seul.
    – Ne dis pas cela, fit vivement le marin. Tu m’as encore une fois sauvé la vie, et c’est toi qui as pris Carfor.
    – Et cette fois je ne le lâcherai pas.
    – Tu auras raison, mon gars, dit Boishardy en souriant. Ah ! s’il y avait seulement deux mille hommes comme nous trois dans l’armée royaliste, nous serions dans huit jours sous les murs de Paris, et les égorgeurs monteraient à leur tour sur l’échafaud qu’ils ont dressé pour le roi martyr.
    – En attendant, nous voici loin de Nantes. Où allons-nous ?
    – À Saint-Étienne, répondit Marcof.
    – Chez Kérouac, qui nous a donné ces déguisements.
    – Oui.
    – Mais il y a plus de six lieues de Nantes à Saint-Étienne.
    – Qu’importe ! Il faut mettre notre prisonnier dans un endroit où nous soyons certains qu’il soit bien gardé.
    – C’est juste. Demain nous rentrerons dans la ville.
    – Oui, et nous sauverons Philippe, car maintenant je réponds du succès. Pinard est le bras droit de Carrier ; Pinard fait tout et sait tout à Nantes ; Pinard fouille les prisons à son gré, condamne ou absout suivant sa fantaisie ; Pinard nous donnera tous les renseignements nécessaires, et Pinard nous procurera les moyens d’enlever Philippe de cette caverne de bandits.
    – S’il ne voulait pas parler ?
    – Lui ? Il a essayé une fois de refuser de me répondre quand je voulais l’interroger. Demandez à Keinec si j’ai su lui délier la langue ? Le scélérat doit encore porter les marques de ma colère ! Oh ! il parlera, cela ne m’inquiète pas !
    Tandis que Marcof répondait ainsi aux questions du chef royaliste, Pinard était peu à peu revenu de l’étourdissement causé par le coup de poing du jeune Breton.
    La situation était trop tendue et trop critique pour que la mémoire lui fît défaut et que la présence d’esprit ne lui revînt pas en même temps que la conscience de l’existence. Il entr’ouvrit les yeux, il vit au-dessus de sa tête le buste athlétique de Keinec, à sa droite et à sa gauche Marcof et Boishardy galopant rapidement, et, n’essayant pas de tenter un seul mouvement qui pût déceler qu’il eût repris connaissance, il demeura dans une immobilité complète, obéissant comme une masse inerte aux secousses que l’allure du cheval sur le cou duquel il était attaché donnait à son corps.
    – Ah çà ! demanda tout à coup Boishardy en se retournant vers Marcof, lorsque vous aurez tiré de lui ce que nous en voulons, qu’est-ce que vous en ferez ?
    – Je ne sais encore, répondit le marin.
    – Vous ne le tuerez donc pas comme un chien qu’il est ?
    Un léger frémissement agita convulsivement le corps du sans-culotte. Le misérable attendait avec une anxiété horrible la réponse de son ennemi, qui paraissait hésiter ; Pinard tenait à la vie.
    – Cela dépendra de ses réponses, dit enfin Marcof.

XXI – KÉROUAC
    Un soupir de soulagement expira sur les lèvres du prisonnier. Les trois cavaliers, qui suivaient la rive du fleuve depuis Nantes, atteignaient en ce moment le petit bourg de Chantenay. Le brouillard s’était en partie dissipé, et la nuit, plus claire, permettait de distinguer la campagne environnante.
    – Quittons la route, dit Boishardy ; Chantenay est au pouvoir des bleus ; prenons par Saint-Herblain.
    – Non, répondit Marcof ; cela nous ferait faire un crochet inutile. Tournons seulement Chantenay et suivons la Loire jusqu’à Couéron ; de là, nous gagnerons Saint-Étienne à travers les bruyères.
    Boishardy fit un geste d’assentiment et s’élança sur la droite, coupant le pays du sud à l’ouest. Marcof et Keinec le suivirent. Les trois hommes continuèrent en silence leur course furieuse et eurent bientôt doublé les dernières

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