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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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maisons du petit bourg.
    La situation de Pinard devenait de minute en minute plus intolérable et se métamorphosait graduellement en un véritable et atroce supplice. Couché sur l’encolure du cheval de Keinec, sa tête et ses bras pendaient d’un côté le long du poitrail, et de l’autre ses jambes ballottaient dans le vide. Sa poitrine se trouvant plus élevée que les extrémités, le sang ne circulait plus et menaçait de l’étouffer ou d’envahir complètement le cerveau. La figure du sans-culotte, ensanglantée déjà par le coup que lui avait porté le jeune homme avant de l’enlever de l’auberge, était devenue violacée et se décomposait rapidement. Les veines du cou, gonflées à éclater, apparaissaient en saillie comme des cordes. Un râle sourd s’échappait avec peine de sa gorge, menacée d’une strangulation prochaine. Pinard ferma les yeux et perdit de nouveau connaissance.
    Les cavaliers avaient dépassé Couéron et atteint les hautes bruyères dans lesquelles leurs chevaux enfonçaient jusqu’au poitrail. Ils galopaient toujours cependant.
    Bientôt les maisons de Saint-Étienne se détachèrent sur les nuages gris qui couraient au-dessus de leurs têtes, et, quittant les landes de bruyères, ils entrèrent dans la petite ville, qui paraissait plongée dans un profond sommeil. Ils tournèrent les premières maisons sans ralentir leur allure ; puis, mettant brusquement leurs chevaux au pas, ils s’avancèrent vers une ruelle étroite dans laquelle l’obscurité semblait plus profonde encore.
    Marcof sauta à terre et heurta doucement à une porte située au rez-de-chaussée d’une humble maison ayant toute l’apparence d’une modeste ferme bretonne. On veillait sans doute à l’intérieur, malgré l’heure avancée de la nuit, car la porte s’ouvrit aussitôt. Un vieillard, tenant à la main un flambeau, parut sur le seuil. En apercevant le marin et ses compagnons, sa physionomie exprima la joie la plus vive.
    – Vous avez donc réussi ? dit-il.
    – Pas précisément, répondit Marcof ; mais nous avons bon espoir, mon brave Kérouac.
    – Grand Dieu ! s’écria le vieillard en remarquant le désordre des vêtements des trois cavaliers et le sang dont ils étaient couverts ; grand Dieu ! seriez-vous blessés ?
    – Non pas, tonnerre !
    – Vous vous êtes battus cependant ?
    – Et vigoureusement, je te le jure ! Mais entrons vite ; nous te raconterons la chose en détail. Pour le moment il s’agit de transporter chez toi le prisonnier.
    – Un prisonnier !
    – Fait à Nantes cette nuit même.
    – Qui donc ?
    – Pinard.
    – Le lieutenant de Carrier ?
    – En personne !
    – Oh ! fit le vieillard dont les yeux étincelèrent. Merci de l’avoir amené vivant ! Je pourrai le tuer de ma main comme ils ont tué mon frère et ma fille !
    – Peut-être ne te refuserai-je pas cette consolation.
    – Entrez vite, messieurs ! dit Kérouac en s’effaçant pour laisser passer Marcof, Boishardy et Keinec qui portait toujours le corps inanimé du sans-culotte. Entrez vite ; j’aurai soin des chevaux.
    Les trois hommes pénétrèrent dans la maison. Arrivé dans la première pièce, Keinec allait jeter Pinard sur un siège, lorsque Marcof l’arrêta.
    – Pas ici, dit-il.
    – Au cellier, n’est-ce pas ? fit Boishardy.
    – Oui.
    Et Marcof, prenant une lumière, conduisit ses compagnons vers l’entrée de l’escalier qui descendait dans les fondations de la maison.
    – L’endroit dans lequel ils se trouvaient était une ancienne ferme, dévastée deux fois déjà par les bleus. Le cellier, où l’on déposait autrefois les provisions, était vide et désert. D’énormes crocs scellés dans la muraille montraient leurs pointes acérées, veuves des quartiers de viande salée et des jambons fumés qui y étaient appendus jadis en prévision de l’hiver.
    – Jette-le là, dit Marcof à Keinec en désignant le sol de la cave. Maintenant prends des cordes, attache-lui les mains derrière le dos, et lie-le solidement au croc le moins élevé.
    Keinec s’empressa d’obéir.
    – Ah ! fit-il en serrant les deux mains déjà liées du misérable, Carfor a conservé la trace de notre visite à la baie des Trépassés, ses pouces sont rongés. Nous ne pourrons plus employer le même moyen pour le faire parler.
    – Nous en trouverons d’autres, mon gars, répondit Boishardy.
    En ce moment Kérouac entra dans le

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