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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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profit d’un traité d’amitié entre la France et la Russie... En 1812, campagne de Russie oblige, l’Empereur avait voulu séduire à nouveau les Ottomans.
    Cependant, ces derniers, aigris par l’abandon des accords passés, avaient préféré ne plus se mêler des complexes et changeantes manoeuvres diplomatiques de Napoléon. Du rêve oriental français – où il était question de conquérir l’Égypte, de s’allier avec le titanesque Empire ottoman et de refouler les Anglais pour s’emparer de l’Inde ! –, il ne restait plus que les trésors archéologiques ramenés d’Égypte, de jolis narguilés qui ornaient les salons des dignitaires impériaux et un goût de sable dans la bouche des soldats qui s’étaient battus au pied des pyramides.
    Un volet avait été forcé, une vitre brisée. On supposait que le coupable était entré par là.
    — Cette pièce est-elle souvent utilisée ? demanda Margont.
    — Non, vu qu’elle donne sur cette ruelle et que la maison possède trois autres salons. On ne l’employait que lors des grandes réceptions, quand le colonel recevait tant d’invités qu’on ne savait plus où les entasser.
    — Personne n’a entendu de bruit ?
    Il se ravisa aussitôt. Pour gagner cette pièce, ils avaient traversé le grand salon, désert le soir du crime, et emprunté un petit corridor fermé par deux portes.
    Margont se pencha par la fenêtre. En raison d’un coude, on ne pouvait apercevoir la rue principale.
    — Les sentinelles passent-elles ici ?
    — Oui. Toutes les heures, elles font le tour du bâtiment. Le soldat de garde n’a rien remarqué. Vers dix heures, j’ai découvert le corps du colonel...
    — Conduisez-nous au bureau, en empruntant le trajet qu’a dû utiliser l’assassin.
    Mejun rejoignit le couloir principal, monta péniblement un grand escalier seigneurial et, au deuxième étage, prit un corridor jusqu’à la dernière porte sur la gauche. Margont, qui n’avait pas l’habitude de lieux aussi vastes, était pris de vertige. Lefïne, lui, trouvait là la concrétisation de l’un de ses rêves.
    Tous deux s’étaient préparés à l’idée de contempler la victime d’un meurtre. Mais leurs résolutions volèrent en éclats à la vue du corps. Berle avait été mutilé par le feu. Les traits du visage avaient disparu sous l’effet des flammes, faisant place à une surface effacée, indéfinissable, aux zones rougies ou noircies... Les restes d’un bâillon obturaient encore la bouche. Les mains étaient liées dans le dos par une corde.
    — Êtes-vous certain qu’il s’agit du colonel Berle ? demanda Margont.
    Le regard de Mejun s’illumina et Margont s’en voulut de lui avoir par mégarde donné un espoir illusoire. Il lui semblait percevoir l’emballement des pensées du domestique, qui imaginait déjà un complot : on avait enlevé le colonel et dissimulé cet acte en abandonnant ici le cadavre méconnaissable d’un autre individu. Cependant, le vieil homme n’était guère dupe. Il dégagea du pantalon un pan de chemise, mais ses doigts se faisaient de plus en plus lents, comme si le gel les engourdissait. Il révéla une estafilade qui barrait le flanc gauche de la victime. Sa réponse se bloqua dans sa gorge et il se contenta de hocher la tête.
    — À-t-on dérobé des documents ? poursuivit Margont.
    — Oui. Le bureau était toujours encombré.
    Plus une feuille ne s’y trouvait désormais, alors que sur les étagères de la bibliothèque, les rangées de livres étaient surmontées de piles d’ouvrages disparates. Des tiroirs, laissés ouverts, avaient eux aussi été vidés. Hélas, le colonel était un homme taciturne et secret et Mejun ne put fournir d’informations sur ce qui avait disparu.
    L’emblème des Épées du Roi était épinglé à la chemise du mort. Illuminé par un rayon de soleil, le tissu blanc resplendissait. On aurait dit le sommet neigeux incandescent d’une montagne aperçue dans le lointain. Margont s’agenouilla, et le détacha pour le remettre à Mejun, qui l’accepta puisque tels étaient les ordres qu’on lui avait signifiés. Mais, comme Margont et Lefïne, il songeait avec colère que l’on allait dissimuler un indice à la Police générale. D’emblée, cette enquête démarrait de manière retorse. Margont essayait de prendre cela avec philosophie. Deux de ses plus grandes qualités étaient aussi ses pires défauts. Il était philanthrope et idéaliste, en digne

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