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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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de sang répandu.
    De ses gestes précis, il manipulait avec délicatesse le cadavre, défaisait des boutons, luttait contre la rigidité cadavérique pour écarter les mâchoires...
    — Étonnant... On a d’abord tué cet homme, puis on l’a brûlé ! Regardez attentivement son visage. Il n’y a aucune phlyctène ! Une phlyctène est une ampoule qui contient une sérosité, un liquide albumineux. Lorsque quelqu’un subit des brûlures alors qu’il est encore en vie, des phlyctènes apparaissent toujours, avec une auréole rouge qui les circonscrit. Autre argument : la cavité buccale est intacte ! Une personne vivante placée ainsi dans un feu est bien obligée de respirer et inhale donc un air brûlant, des flammes... La langue et le pharynx devraient être nécrosés et avoir subi une desquamation, c’est-à-dire que les couches superficielles de ces muqueuses devraient s’être détachées sous la forme de petites lamelles, de squames. On devrait retrouver des petites ulcérations sur l’arrière-gorge. La muqueuse sus-épiglottique devrait être rouge, congestionnée. Il devrait y avoir des taches de suie. Une écume rosée devrait être présente dans la trachée. Le bâillon ne peut pas expliquer l’absence de ces lésions. Car une victime encore vivante aurait respiré par les narines et on aurait abouti à toutes ces blessures que je viens de décrire. Quant au bâillon, justement, il devrait présenter des traces de morsure. Des brûlés, j’en ai vu, sur les champs de bataille et dans les hôpitaux. Je suis formel : ces brûlures ont été infligées post-mortem.
    — C’est de la nécromancie ! s’exclama Lefine.
    — Hum... La nécromancie consiste à interroger les morts afin que ceux-ci vous révèlent des secrets... Oui, on peut voir les choses ainsi ! Je suis un médecin nécromancien. Mais cela, c’est grâce à mon ami Quentin et ses enquêtes...
    — Je suis désolé, Jean-Quenin, répondit Margont.
    — Pas du tout ! Sans toi, ma vie me paraîtrait parfois monotone...
    Quand il ironisait, on ne parvenait jamais à trier le vrai du faux.
    — As-tu déjà entendu parler d’un crime lors duquel le coupable aurait brûlé sa victime après l’avoir tuée ? lui demanda Margont.
    — Jamais.
    — Moi non plus... Toute la question est de savoir si l’assassin a agi ainsi par vengeance, pour brouiller les pistes ou parce que le feu signifie quelque chose de particulier pour lui. Regarde la disposition de la pièce. Il y a une traînée de sang entre la cheminée et le bureau, près duquel se trouve le corps. À première vue, on pourrait croire que l’assassin a maîtrisé sa victime, l’a ligotée et bâillonnée, l’a traînée jusqu’à la cheminée pour la brûler, puis l’a tuée et, pour une raison inconnue, l’a ramenée vers le bureau. La traînée de sang aurait donc été faite durant le trajet cheminée-bureau. Mais, en réalité, au vu de ce que tu viens de nous dire, ce sang a coulé tandis que le coupable déplaçait le cadavre du colonel vers la cheminée. Conclusion : le meurtrier s’est donné la peine de ramener la dépouille vers le bureau pour masquer le fait qu’il avait déjà tué sa victime avant de la brûler.
    Mejun fit irruption dans la pièce, l’air affolé.
    — La police arrive ! Vous devez partir sur-le-champ !
    — Des enquêteurs qui fuient la police ? s’étonna Jean-Quenin Brémond.
    Déjà, Margont l’entraînait par le bras vers la porte.
    — Oh, ce n’est pas le seul paradoxe de cette affaire, crois-moi...

 
    CHAPITRE V
    Après avoir filé par la porte de derrière, ils s’éloignèrent à grands pas. Ils évitaient les gens, s’engageaient dans les ruelles et s’exprimaient à voix basse. Il n’en fallait pas plus pour que les passants les prennent pour des comploteurs royalistes ou républicains, des partisans des Alliés... Jean-Quenin les abandonna, après avoir insisté pour que l’on fasse à nouveau appel à lui si besoin était.
    Les idées se bousculaient dans la tête de Margont, telles des rivières indociles qui ne parvenaient pas à se réunir pour former un seul et même fleuve cohérent.
    — Il y a ce que l’assassin montre et ce qu’il veut cacher. Il a voulu dissimuler les raisons réelles pour lesquelles il a commis ces brûlures. Et que penser de ce symbole royaliste et des documents qui ont été volés ? Constituent-ils une fausse piste et les brûlures la vraie ? Ou bien

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