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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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contemplant son ami dans cet état, il avait l’impression de voir une montagne trembler.
    — Quentin, le comte Kevlokine est mort asphyxié. Mais on ne l’a pas étranglé : aucune marque au niveau du cou, le larynx est indemne. Ce n’est pas non plus dû au bâillon : il aurait mordu le tissu, j’aurais retrouvé des fils dans sa bouche, son visage aurait exprimé la souffrance, la terreur... Le coeur est en parfait état. Ce n’est pas une apoplexie. Il n’y a aucune phlyctène sur les bras, la cavité buccale et la trachée sont saines, inaltérées, donc, ici aussi, les brûlures ont été infligées post-mortem. Cela aussi, je l’ai caché à l’inspecteur Sausson, qui ne connaît rien à la médecine. Bref, un vrai mystère ! Je croyais que j’allais devenir fou. J’étais comme un mathématicien qui découvre une addition particulière dans laquelle un plus un ne semblent pas faire deux. Tu comprends ?
    — Oh oui...
    — Dans ces cas-là, quand je suis perdu, j’ai une méthode. Je reprends tout depuis le début, je retourne aux sources. Donc j’ai recommencé l’autopsie, alors que l’abdomen et la cage thoracique étaient déjà ouverts, que j’avais extirpé le coeur, le foie...
    — Merci, Jean-Quenin ! Je préfère que tu ne me précises pas ce genre de choses, sauf si c’est indispensable pour la compréhension de ce que tu veux m’expliquer.
    — Bref, on commence une autopsie en observant le corps. Or, comme tu le devines, le surmenage fait que les médecins bâclent souvent cette étape. Donc je me mets à examiner le corps. Et voilà que je découvre une trace de piqûre dans le cou. Elle n’a pas été causée par un insecte, il n’y a pas d’inflammation locale, pas de bouton... Non, juste un point sanglant. Une piqûre d’aiguille. Asphyxie apparemment inexplicable et si subite que la victime n‘a pas eu le temps de souffrir – au vu de ses traits sereins –, aucune lésion visible des organes, piqûre d’aiguille : mort par empoisonnement au curare !
    — Pardon ? Je n’ai jamais entendu parler de ce ... curare. Et quel rapport avec une piqûre ?
    — C’est un poison originaire d’Amérique du Sud. Les Indiens d’Amazonie l’utilisent beaucoup pour chasser.
    — L’Amazonie ?
    — Écoute-moi ! Il existe de nombreuses variantes de ce poison. Chaque tribu amazonienne a sa propre recette et utilise des dizaines de produits différents : plantes, chenilles, insectes, serpents, crapauds vénéneux, divers autres poisons... On devrait donc plutôt parler des curares. Ce sont des produits encore très mystérieux. Ce que tu dois savoir, c’est qu’une seule goutte de ce poison tue en quelques secondes. Il suffit d’enduire une aiguille de curare, de te piquer et tu es perdu ! Il n’existe aucun antidote ; la mort est inéluctable. Ce produit paralyse les muscles – on ignore comment – et le décès survient par asphyxie, en raison de la paralysie des muscles respiratoires.
    — Un poison qui agit par le sang ?
    Passionné d’histoire, Margont avait lu des récits de conquistadores et de soldats portugais qui évoquaient la mort de certains des leurs, parfois en quelques instants, à la suite de blessures pourtant minimes causées par des flèches ou des fléchettes de sarbacanes. Mais ici, on était à Paris, pas en Amazonie.
    — Comment sais-tu tout cela, Jean-Quenin ? Es-tu sûr de ce que tu affirmes ? Si jamais tu te tromp...
    — Je suis catégorique ! J’ai toujours voulu faire de la recherche médicale alors je me tiens informé de tout dans ce domaine. Parce qu’il y a la guerre, je consacre mon temps aux blessés et à aider mes amis. Mais, quand il y aura enfin la paix, je me lancerai dans la recherche ! Tu vois, Quentin, tu me parles souvent de ce journal que tu aimerais tant fonder. Eh bien voici quel est mon rêve : continuer à soigner tout en faisant de la recherche. Il se trouve que la France est l’un des pays les plus avancés dans le domaine de la pharmacologie, une jeune science qui étudie les propriétés des substances chimiques dans le but de découvrir de nouveaux remèdes et de mieux comprendre la physiologie, le fonctionnement du corps humain. Peut-être as-tu entendu parler de Magendie ? C’est un maître dans ce domaine, il est même meilleur que les Anglais, qui avancent aussi dans cette voie avec brio ! J’ai l’honneur de le connaître, car la recherche française est un petit monde.

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