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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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C’est lui qui m’a parlé du curare, voici quelques années. Magendie prône la recherche expérimentale : partir non pas de théories plus ou moins étayées, mais d’expériences concrètes. Or le curare a une action si spectaculaire sur le corps humain que celui qui en comprendra le mode d’action est assuré de faire une découverte majeure. Des médecins parisiens paieraient une fortune pour s’en procurer ! Une fortune !
    Jean-Quenin posa ses mains sur les épaules de son ami. Il était pourtant peu démonstratif, habituellement. Le curare ne faisait pas que paralyser, il rendait également fous les chercheurs...
    — Quentin, tu fais souvent appel à moi et je ne t’ai jamais rien réclamé en échange. Eh bien, aujourd’hui, je te demande quelque chose ! Je souhaite que tu me donnes ce curare si tu parviens à mettre la main dessus.
    — Moi, c’est surtout sur son utilisateur que je voudrais mettre la main... J’accepte. Si je réuss...
    Jean-Quenin lui serra la main de toutes ses forces.
    — Merci, Quentin !
    — Attends... Comment du curare est-il arrivé à Paris ?
    — Apparemment, ce poison ne se conserve que quelques mois. Le problème, c’est que le Brésil est une vice-royauté du Portugal, avec lequel nous sommes en guerre depuis plusieurs années. Avec tous ces conflits, les substances exotiques circulent mal. Les chercheurs anglais risquent de damer le pion aux Français, puisque eux sont alliés aux Portugais, ce qui leur permet d’obtenir ce produit bien plus facilement que nous.
    C’était une façon ô combien réductrice de considérer cette guerre généralisée. Jean-Quenin, si philanthrope en temps normal, manifestait un égoïsme déroutant.
    — Des Parisiens membres d’un groupe royaliste pourraient-ils s’en procurer auprès des Alliés ? se demanda Margont à haute voix.
    S’ils avaient la crédibilité et l’argent nécessaires, cela pouvait s’envisager... Il ajouta aussitôt :
    — Entre le moment où ils ont voulu du curare et le moment où ils l’ont obtenu, il a dû s’écouler des mois ! Entrer en contact avec un agent allié, obtenir de lui qu’il soutienne leur projet, puis convaincre les Portugais, que l’un de leurs navires aille au Brésil – cela, encore, c’est fréquent : en 1807, le prince régent de Portugal a fui devant nos armées et s’est installé à Rio avec sa cour – et qu’il revienne avec ce curare que l’on est allé acquérir auprès des tribus amazoniennes...
    Si Jean-Quenin avait raison, les Épées du Roi préparaient leur plan depuis bien plus longtemps que Margont ne l’avait imaginé... En outre, l’hypothèse d’un assassin isolé s’éloignait. Pour monter une telle opération, il fallait le soutien de toute une organisation.
    — Mais alors, l’assassin est certainement un médecin ! s’exclama Margont.
    Jean-Quenin réagit avec un temps de retard, puis rougit. Il n’avait même pas songé à cette évidence.
    — C’est très probable. Un médecin, ou un grand voyageur qui connaît bien l’Amérique du Sud.
    — Ou encore un aristocrate français qui se serait réfugié au Portugal, puis aurait suivi la Cour à Rio. Tu m’as tout dit ?
    — Oui.
    Margont le remercia et abandonna son ami. Jean-Quenin erra un moment dans Paris, pour retrouver son calme. Mais ses rêves de grandeur ne le lâchaient pas et son imagination dansait comme un feu follet riant au-dessus du marais de la raison. Margont ne l’avait pas compris... Ce n’était pas par orgueil qu’il voulait absolument faire une découverte ! Toute sa vie, il avait eu l’impression de ne pas en faire assez pour ses malades. Aujourd’hui lui apparaissait l’éventualité, ténue, mais réelle, de faire faire un immense bond en avant à la médecine. Il y avait tant de gens qu’il n’avait pas pu sauver et tous ces fantômes l’accompagnaient partout – partout ! –, formant un monstrueux cortège qui grandissait avec les années. S’il parvenait à percer le secret du curare, alors il apaiserait ces âmes en peine qui tournoyaient autour de lui. Comme tout médecin, il rêvait de pouvoir se dire un jour : « Oui, dans ma vie, j’ai fait plus de bien que de mal. »

 
    CHAPITRE XXVII
    Le 27 mars, Paris était sens dessus-dessous. Jusqu’à présent, Napoléon et son armée avaient formé un barrage qui avait contenu les mauvaises nouvelles, empêchant la plupart d’entre elles d’arriver jusque-là. Mais

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