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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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bonne qu’il lui sembla que ce serait folie que de la jeter ainsi que le roi le lui avait commandé. « Je vais plutôt, se dit-il, y jeter la mienne ! Et qui m’empêchera de prétendre ensuite avoir obéi ? » Il détacha donc son épée de son baudrier et la jeta dans le lac. Puis il déposa Excalibur, soigneusement, dans un buisson et s’en revint vers le roi qui, épuisé, s’était allongé sur le sol. « Seigneur, dit-il, j’ai exécuté ton ordre et jeté ton épée dans le lac. – Et qu’as-tu vu ? demanda Arthur. – Seigneur, je n’ai rien vu d’extraordinaire : l’épée s’est enfoncée dans l’eau, voilà tout ! Ah ! s’écria le roi, Girflet, tu essaies de me tromper. Retourne d’où tu viens et jette mon épée dans le lac, car je vois bien que tu n’as pas fait ce que je t’avais demandé ! »
    Le fils de Dôn remonta sur la colline et s’approcha du lac. Là, il reprit Excalibur, la tira du fourreau. Mais, à sa seule vue, il ne put retenir ses plaintes, tant la perte d’une pareille arme le chagrinait. Aussi décida-t-il de jeter le fourreau et de garder l’épée, celle-ci pouvant très bien servir encore, à lui comme à un autre. Il prit donc le fourreau et le jeta aussitôt dans le lac, puis il reposa Excalibur dans le buisson. Il revint alors vers le roi et prétendit s’être exécuté. « Et qu’as-tu donc vu ? demanda le roi. Voilà Girflet bien embarrassé. « Seigneur, je n’ai rien vu d’autre que de l’écume quand j’ai jeté l’épée. » Arthur se mit alors à se lamenter puis : « Tu n’es qu’un menteur ! s’écria-t-il. Pour la dernière fois, je t’ordonne de lancer mon épée dans le lac ! Sache que si tu le fais réellement, cela ne se passera pas sans prodige. »
    Comprenant qu’il lui fallait se résigner, Girflet retourna à l’endroit où il avait caché Excalibur. Il la prit dans ses mains et la regarda tristement. « Belle et bonne épée, dit-il, j’ai grand-peine que tu ne tombes pas aux mains d’un homme digne de te recevoir. » Et, la mort dans l’âme, il lança l’épée le plus loin qu’il put mais, au moment où elle approchait de la surface, il aperçut un bras émerger du lac jusqu’à hauteur du coude, et une main saisir l’épée par la poignée, la brandir trois fois puis l’engloutir dans les profondeurs.
    Stupéfié par ce prodige, Girflet attendit un long moment dans l’espoir que la main se montrât à nouveau ; mais voyant qu’il perdait son temps à attendre, il quitta le lac, descendit de la colline et rejoignit Arthur. Il lui dit qu’il avait jeté l’épée dans l’eau et lui raconta ce qu’il avait vu. « Dieu ! dit le roi, je savais que ma fin était toute proche. »
    Le roi s’abandonna alors une fois de plus à la tristesse, et les larmes lui coulèrent le long des joues. Puis, il regarda Girflet et lui dit : « À présent, il faut que tu partes et me laisses ici. – Non, répondit Girflet, je ne saurais t’abandonner dans l’état où tu es. – Il le faut pourtant, reprit le roi. Sinon, je te haïrais mortellement. Une fois encore, je te le demande : laisse-moi seul. Je ne peux que te dire que tu ne me reverras jamais. – Roi Arthur ! s’écria le fils de Dôn, comment pourrais-je t’abandonner alors que tu me dis que je ne té reverrai plus ? – Je suis ton roi, Girflet. Ce que j’ordonne, tu dois le faire. Pars, je t’en conjure maintenant au nom de l’amitié qui nous a toujours liés. »
    Comprenant que la décision d’Arthur était irrévocable, Girflet murmura, accablé : « Seigneur roi, je vais faire ce que tu demandes, mais au prix d’une infinie tristesse. Dis-moi au moins, je t’en supplie que je te reverrai un jour. – Non, dit le roi, jamais, je ne peux te mentir. – Où donc vas-tu aller, seigneur Arthur ? – Cela non plus, je ne peux te le dire. » Et le roi tourna la tête, comme pour signifier qu’il ne voulait plus dire un mot.
    Le cœur broyé par une indicible souffrance, le fils de Dôn s’éloigna du roi et remonta à cheval. Mais il avait à peine parcouru la distance d’un trait d’arbalète que, prodige étrange, se mit à tomber une très forte pluie qui le contraignit à se réfugier sur une colline dominant la mer et où, sous un arbre, il dut attendre la fin de l’ondée. Or, comme il regardait dans la direction du rivage, il vit une nef qui venait du grand large, tout emplie de femmes dont les longues robes

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