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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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déjà plus très jeune selon les critères
francs  – elle pouvait avoir vingt-six ou vingt-sept ans. Mais elle était
si belle, avec ses longs cheveux d’or et les yeux bleus propres aux alienigenae... Toute sa famille avait péri dans le massacre de Verden. Des
milliers de Saxons avaient préféré mourir ce jour-là plutôt que d’admettre la
vérité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Pauvres fous, pauvres barbares !
Ce n’est pas à moi qu’une telle mésaventure arriverait. Elle aurait juré
tout ce qu’on voulait. Et elle referait de même aujourd’hui si les barbares
déferlaient de nouveau sur le royaume franc. Elle aurait juré fidélité à n’importe
quel dieu, aussi mystérieux et terrible fût-il. Cela ne faisait aucune
différence. Qui pouvait deviner ce qui se passait dans les profondeurs d’un cœur ?
Une femme avisée se devait d’être sa propre conseillère.
    Le feu crépita,
lança des étincelles. Il se languissait. Hrotrud marcha jusqu’au tas de bûches
empilé dans un coin de la pièce, choisit deux gros rondins de bouleau et les
déposa dans l’âtre. Ils sifflèrent sous la langue des flammes. La sage-femme
fît demi-tour et revint vers Gudrun.
    Celle-ci avait
mastiqué les copeaux d’astragale une bonne demi-heure plus tôt, mais rien ne s’était
modifié dans son état. Ce puissant remède ne faisait aucun effet. Les
contractions de la femme du chanoine étaient chaotiques et vaines. Ses forces
allaient s’amenuisant.
    Hrotrud soupira.
De vigoureuses mesures s’imposaient.
     
     
    Le chanoine se
révéla être un obstacle supplémentaire quand Hrotrud lui annonça qu’elle allait
avoir besoin d’aide.
    — Envoie
chercher des femmes au village, grogna-t-il d’un ton chagrin.
    — Messire, c’est
impossible. Qui pourrais-je bien envoyer ? demanda Hrotrud, les mains
levées vers le ciel. Je ne puis y aller moi-même, car votre épouse a grand
besoin de ma présence. Votre fils aîné ne le peut pas davantage. Bien qu’il m’ait
tout l’air d’un fin gaillard, il risquerait de se perdre dans la tempête. J’ai
failli m’égarer moi-même.
    Le maître du
logis la foudroya du regard.
    — Fort bien,
lâcha-t-il. J’irai moi-même.
    En le voyant se
lever, Hrotrud secoua la tête d’un air impatient.
    — Cela ne
donnerait rien de bon. À votre retour, il serait trop tard. C’est de votre aide que j’ai besoin, messire, et vite, si vous voulez que vivent votre femme
et votre enfant.
    — De mon
aide ? Es-tu folle, sage-femme ? Ceci  – il désigna le lit d’un
geste dédaigneux –  est affaire de femmes. C’est chose impure ! Je m’y
refuse.
    — Dans ce
cas, votre épouse mourra.
    — Sa vie est
entre les mains de Dieu.
    — Peu m’importe,
grommela Hrotrud en haussant les épaules. Mais je suis sûre que vous ne
trouverez pas facile d’élever vos deux fils sans l’aide de leur mère.
    — Et
pourquoi devrais-je te croire ? interrogea le religieux en dardant un
regard courroucé sur l’accoucheuse. Gudrun a déjà enfanté par deux fois sans
peine, après que je l’eus fortifiée par mes prières. Tu ne peux pas savoir si
elle va mourir.
    C’en était trop.
Chanoine ou non, Hrotrud ne pouvait supporter de voir sa compétence ainsi mise
en doute.
    — C’est vous
qui ne savez rien ! répliqua-t-elle. Vous ne l’avez même pas regardée.
Allons, regardez-la ! Et répétez-moi ensuite qu’elle n’est pas en train de
mourir.
    Le chanoine s’approcha
du lit et baissa les yeux sur son épouse. Ses cheveux poisseux étaient collés
sur sa peau, devenue jaunâtre. Ses yeux étaient cernés de noir et profondément
enfoncés dans leurs orbites. N’eût été son souffle incertain, on l’aurait crue
déjà morte.
    — Eh bien ?
lança Hrotrud.
    L’homme fit
volte-face.
    — Par le
sang de Dieu ! Pourquoi n’as-tu pas amené les femmes avec toi ?
    — Comme vous
venez de le dire, messire, votre épouse a enfanté à deux reprises sans l’ombre
d’un problème. Je n’avais aucune raison de penser qu’il en irait autrement ce
jour. En outre, qui aurait accepté de me suivre par un temps pareil ?
    Le chanoine s’approcha
du foyer et se mit à faire les cent pas. Au bout d’un moment, il s’arrêta.
    — Que
veux-tu que je fasse ?
    Hrotrud sourit à
belles dents.
    — Oh, bien
peu de chose, messire, bien peu de chose... Pour commencer, aidez-moi à la
lever.
    Chacun se plaça d’un
côté de Gudrun. Ils la prirent par

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