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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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assis l’un contre l’autre devant le feu.
    — L’enfant est-il
né ? demanda-t-elle.
    — Pas
encore, répondit le plus âgé des deux.
    Hrotrud marmonna
une courte prière de remerciement à saint Côme, patron des sages-femmes. Elle
avait été plus d’une fois privée de sa paie de cette façon, renvoyée sans un
denier malgré le mal qu’elle s’était donné pour venir.
    Face aux flammes,
elle défit les lambeaux d’étoffe qui recouvraient ses mains et ses pieds, puis
lâcha un cri d’alarme en découvrant leur teinte bleuâtre. Sainte Mère, ne
laissez pas le gel me les prendre ! Le village n’aurait que faire d’une
sage-femme estropiée. Elias le cordonnier avait perdu son gagne-pain de cette
façon, juste après avoir été surpris par une tempête sur la route de Mayence.
Ses phalanges avaient d’abord noirci, puis étaient tombées au bout d’une
semaine. Depuis lors, décharné et en loques, il vivait recroquevillé près des
portes de l’église, suppliant les passants de lui donner l’aumône.
    Secouant la tête
d’un air sombre, Hrotrud pressa et frotta ses doigts gourds sous le regard des
garçonnets silencieux. Leur présence la rassura. L’accouchement sera facile, se dit-elle en s’efforçant de chasser le pauvre Elias de ses pensées. Après
tout, j’ai délivré Gudrun de ces deux-là sans mal. L’aîné, un enfant
robuste, au regard pétillant, devait approcher les six hivers. L’autre, son
petit frère aux joues rondes, âgé de trois ans, se balançait d’avant en
arrière, suçant son pouce d’un air morose. Les deux garçons étaient noirs de
poil, comme leur père. Ni l’un ni l’autre n’avait hérité l’extraordinaire chevelure
d’or blanc de leur mère saxonne.
    Hrotrud se
souvint de la façon dont les hommes du village avaient contemplé bouche bée les
longues boucles de Gudrun, lorsque le chanoine l’avait ramenée de l’un de ses
périples missionnaires en Saxe. En prenant femme, le chanoine avait soulevé
maints remous. Selon certains, il avait enfreint la loi, l’empereur ayant
promulgué un édit interdisant aux hommes d’Église de se marier. D’autres
prétendaient qu’il ne pouvait en être ainsi, dans la mesure où un homme privé d’épouse
était fatalement soumis aux tentations les plus perverses. Il n’était que de
voir l’exemple des moines de Stablo, qui faisaient honte à l’Église par leurs
fornications et leurs beuveries. Or, nul ne pouvait nier que le chanoine était
un homme sobre et âpre au labeur.
    Il faisait bon.
Le vaste foyer accueillait une grosse pile de rondins de bouleau et de chêne.
La fumée s’élevait en épaisses volutes jusqu’à la brèche percée dans le chaume
du toit. C’était une demeure confortable. Les madriers qui constituaient les
murs étaient lourds et épais, et chaque fente avait été soigneusement
calfeutrée avec de la paille et de la terre pour repousser le froid. La fenêtre
était obstruée par de fortes planches de chêne, mesure de protection
supplémentaire contre les nordostroni, ces cruels vents d’est hivernaux.
La maison était vaste, assez pour être divisée en trois compartiments séparés
par des cloisons de planches : l’un pour le chanoine et sa femme, le
second pour les animaux qu’on y rassemblait par grand froid  — Hrotrud les
entendait souffler et piétiner à sa gauche – , et au centre, cette
pièce-ci, où la famille mangeait, travaillait, et où les enfants dormaient.
Hormis l’évêque, dont la demeure était bâtie de pierre, personne à Ingelheim ne
disposait d’un meilleur logis.
    Les extrémités de
Hrotrud, retrouvant leurs sensations, se mirent à fourmiller. Elle examina ses
doigts. Ils étaient durs et secs, mais leur bleuissement reculait, remplacé par
une rassurante complexion d’un rouge rosé. Elle exhala un soupir de soulagement
et décida de dédier une offrande à saint Côme le prochain jour d’action de
grâces. Pendant quelques instants, Hrotrud s’attarda autour du feu pour s’imprégner
de sa chaleur. Puis, après avoir gratifié les garçons d’un signe de tête et d’une
tape d’encouragement, elle se dépêcha de passer de l’autre côté de la cloison,
derrière laquelle l’attendait la femme en couches.
    Gudrun gisait sur
un lit de tourbe garni de paille fraîche. Le chanoine, un homme aux cheveux
noirs et aux sourcils touffus, qui lui donnaient un air perpétuellement sévère,
était assis à l’écart. II

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