La Perle de l'empereur
faisons-nous à présent ?
— Vous je ne sais pas, bougonna Karloff, mais moi je voudrais bien rentrer au logis. Ma nuit est finie…
— Et comme vous habitez ici, vous n’avez pas envie d’aller plus loin ? Pourtant, il faudrait ramener le petit à son grand-père et moi avec lui… Cela vous fera une course un peu plus longue, voilà tout !
— Je n’ai jamais eu l’intention de vous laisser là… Embarquez !
On prit le chemin du retour, un peu moins vite parce que à présent le jour était levé et que, dans les rues, l’activité reprenait, mais si l’on espérait rentrer tranquillement rue Ravignan, on se trompait. Délivrés de la peur qui les avait tenus cois, les habitants de la maison s’étaient réunis autour de l’expéditionnaire de chez Dufayel qui, ayant vécu l’affaire aux premières loges, faisait figure de héros et tenait dans la rue une sorte de conférence à laquelle participait activement l’inspecteur Blouin – comme de bien entendu la police avait été prévenue – qui, armé d’un carnet et d’un crayon, prenait des notes frénétiques. Seul le grand-père Le Bret ne participait pas à la fête : toujours aussi sourd il n’avait rien entendu et venait tout juste de s’apercevoir de l’absence de son petit-fils. Mais les fugues du gamin étant courantes, il ne se tourmentait pas outre mesure.
L’arrivée du taxi et de ses occupants fut accueillie comme une manne céleste. Théodule Mermet se fit un plaisir de présenter son hôte de la nuit, au grand ennui d’Aldo qui n’avait guère envie de voir la police se mêler de cette histoire et dut présenter son passeport. L’annonce de son titre fit grand effet sur l’assemblée et singulièrement sur Mermet à qui tout cela allait fournir une histoire sans cesse revue et augmentée qui ferait sa gloire auprès de ses partenaires à la manille.
Beaucoup moins sur l’inspecteur Blouin. C’était un homme déjà âgé, lourd, peu bavard et qui ne s’en laissait imposer par personne. Chargeant ses hommes de faire rentrer tout le monde, il alla s’établir près du taxi avec les trois nouveaux venus pour entendre leur histoire. Elle recoupait parfaitement ce que lui avait appris l’expéditionnaire de chez Dufayel à ceci près qu’Aldo jugea inutile de parler de la « Régente » : une amie l’avait amené chez le réfugié politique pour conclure une affaire – un cas assez fréquent avec les émigrés russes ! –, ils avaient trouvé l’appartement sens dessus dessous et le pauvre Piotr disparu. L’amie était repartie et lui-même était resté pour voir si quelque chose se produirait encore. Une femme était venue qui avait fouillé la cheminée sans rien trouver après quoi Karloff et lui l’avaient suivie jusqu’à Saint-Ouen où elle s’était volatilisée mais où l’on avait trouvé le petit Le Bret qui raconta son histoire.
— Il va falloir me montrer l’emplacement, conclut Blouin en refermant son carnet. Si un homme a été jeté à l’eau on devrait le retrouver…
— Vous trouverez en tout cas des traces de sang, fit Morosini. Avez-vous encore besoin de moi ?
— Peut-être ! Où habitez-vous ?
— Au Ritz.
— Ben voyons ! ricana le policier. Alors tâchez d’y rester. J’aurai sûrement besoin de vous entendre encore.
— Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire de plus.
— On ne sait jamais. Un détail qui vous aurait échappé… Par exemple vous n’avez aucune idée de ce que ce Russe avait à vendre ?
— Aucune, mentit Aldo avec ce brin d’insolence qu’une attitude méfiante faisait toujours germer en lui. Et M me Vassilievich qui m’a conduit ici n’en savait pas davantage, continua-t-il en se promettant d’avertir Masha dans les plus brefs délais. L’homme lui avait demandé de lui trouver un acheteur pour quelque chose d’important mais il ne lui a pas dit quoi. Hier soir nous nous sommes rencontrés au Schéhérazade et vous savez la suite.
— Restez quand même à ma disposition ! ordonna Blouin avec une majesté un rien menaçante. Tout ça en définitive n’est pas clair du tout mais vous pouvez partir !
Rengainant la leçon de politesse qu’il eût volontiers donnée à cet inspecteur teigneux, Morosini promit au petit Jeannot de revenir le voir, serra la main d’un Karloff résigné à guider les policiers vers la vieille usine et partit à pied jusqu’à la place du Tertre où il trouva un taxi à qui il
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