La Perle de l'empereur
prenez sous votre protection…
— Cela fait beaucoup tout ça et je crois qu’il est temps de mettre les choses au point. Je ne demande pas mieux que de vous aider… dans certaines limites toutefois…
— Quelles limites ?
— Celles de la légalité. Pas question avec moi de se procurer des bijoux en les volant ! En outre, il faut que vous admettiez que je ne suis pas parisien, que j’habite Venise et que cela met entre nous une grande distance kilométrique. Enfin, si devenir votre… protecteur officiel est infiniment flatteur pour la vanité d’un homme, il ne peut en être question quand cet homme est marié et qu’il aime sa femme !
Elle ferma à demi ses longues paupières en esquissant la plus jolie moue qui soit :
— Presque tous les hommes intéressants sont mariés et tous sans exception prétendent aimer leur femme… Cela ne tire pas à conséquence.
— Sans doute êtes-vous mieux placée que moi pour en juger mais ce n’est pas chez moi une parole en l’air, un terme convenu. Et si je dis que j’aime celle qui porte mon nom, c’est la vérité du bon Dieu ! Aucun de ceux qui la connaissent n’en douterait un seul instant. Mais changeons de sujet, voulez-vous ? Et montrez-moi plutôt les bijoux que votre José vous a « aidée » à retrouver !
D’un mouvement souple, elle se releva, quitta le salon et revint au bout d’un instant, portant un écrin de cuir fatigué griffé d’armoiries dédorées qu’elle ouvrit en le lui tendant : il contenait une croix d’émeraudes et de perles ainsi qu’une paire de pendants d’oreilles assortis. La facture en était ancienne, le style archaïque mais les pierres semblaient belles. Pour mieux les étudier, Aldo tira de sa poche la petite loupe de joaillier qui ne le quittait pas plus que son mouchoir, son étui à cigarettes ou son portefeuille, la coinça dans son orbite en s’approchant d’une lampe posée sur une table.
L’examen fut bref. Il ne l’avait entrepris que pour confirmer ce qu’il avait cru voir au premier coup d’œil : les montures d’or étaient anciennes mais émeraudes et perles étaient d’autant plus neuves qu’elles étaient fausses. Ainsi ce bandit d’Agalar avait osé revendre – à vil prix mais tout de même ! – à cette malheureuse des bijoux dont il avait remplacé le plus important et qui ne valaient plus que le poids de l’or qui les composait. Cependant il ne laissa rien paraître, garda pour lui ses réflexions, referma l’écrin et le rendit à sa propriétaire :
— Vous les portez quelquefois ?
— Jamais. José m’a bien recommandé de les garder secrets pendant quelque temps. Ils ne sont d’ailleurs plus très à la mode et il vaut mieux attendre que le temps passe pour les faire remonter…
« Ben voyons ! pensa Aldo. Le bonhomme n’est pas fou ! Mais cette pauvre petite est vraiment mal partie. Et moi, qu’est-ce que je viens faire au milieu de tout cela ? »
Il se sentait fatigué, un peu désorienté aussi parce qu’il devinait, derrière la belle comtesse, une affaire louche peut-être liée à une association de malfaiteurs qu’il préférait de beaucoup tenir à l’écart. Cependant Tania, après être allée ranger l’écrin, revenait vers lui avec dans ses beaux yeux une véritable imploration :
— Donnez-moi au moins un conseil ! Je suis si seule et j’ai si peur !
— Je suis prêt à vous en donner deux mais vous ne suivrez ni l’un ni l’autre, n’est-ce pas ?
— C’est selon. Dites toujours !
— Le premier est d’aller confier votre histoire à la police. Je peux, si vous le voulez, vous mettre en relations avec le commissaire principal Langlois et je serais fort étonné s’il ne vous débarrassait pas du marquis !
— La police ? Oh non ! À aucun prix ! Voyons le deuxième conseil !
— Je vous l’ai déjà donné partez ! Allez vous réfugier quelque temps en Angleterre – j’y ai un ami à Scotland Yard – ou encore en Suisse…
Un grand sourire éclaira soudain le beau visage :
— Pourquoi pas en Italie ? À Venise par exemple ? Ainsi vous pourriez veiller sur moi… discrètement ? Votre femme n’est certainement pas jalouse au point de vous interdire toute amitié féminine ?
Il eut un haut-le-corps et fronça le sourcil.
— Ma femme n’a jamais eu l’occasion d’être jalouse, fit-il sèchement en sachant parfaitement qu’il mentait et qu’au temps où elle jouait
Weitere Kostenlose Bücher