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La Perle de l'empereur

La Perle de l'empereur

Titel: La Perle de l'empereur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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dont Aldo se désintéressa. Son regard ne quittait le noble espagnol que pour fouiller le public tant il craignait de repérer le visage de Tania parmi les autres. Jusqu’à présent, elle se tenait tranquille mais Aldo, qui était allé la voir la veille, n’était pas certain que cette sagesse dure encore longtemps. Réduite à la seule compagnie de Tamar qui lui tirait les cartes quand elle ne se prosternait pas devant les icônes, la belle comtesse s’ennuyait et ne le cachait pas :
    — Je ne vais pas rester enfermée toute ma vie ?
    — Cela ne fera jamais que cinq jours. Soyez un peu patiente. Si Agalar mène ses projets à bien, il partira pour les États-Unis et vous pourrez faire des plans d’existence…
    Le bruit courait en effet d’un prochain mariage entre miss Van Kippert et le beau marquis, et s’il en jugeait par ce qu’il voyait, la rumeur – rapportée par Gilles Vauxbrun – pourrait bien avoir raison.
    Au bout d’un instant, il fallut revenir aux mouvements du marteau d’ivoire : un assistant de Maître Lair-Dubreuil apportait la grande émeraude carrée à laquelle Aldo était censé s’intéresser.
    C’était, en vérité, une admirable pierre et l’amateur passionné de joyaux se réveilla. À sa manière nonchalante, il suivit d’abord le jeu des enchères puis le mena quand il ne resta plus en face de lui que le baron Edmond de Rothschild. Le duel passionna la salle et elle éclata en applaudissements quand le prince-antiquaire l’emporta : le baron se retira avec un sourire et un geste aimable de la main.
    — Tu es fou ? souffla Vidal-Pellicorne. J’espère que tu as un client ?
    — Pourquoi pas moi ? Je collectionne, tu sais ? Et celle qui ne quitte pas l’annulaire de Lisa est au moins aussi belle si elle est plus moderne.
    — Tu vas la lui offrir ?
    — Oh, que non ! Si elle a vraiment appartenu à Ivan, ce n’est pas un cadeau à faire à la femme qu’on aime. Il se trouve que j’ai un client. Inattendu d’ailleurs. Avant de partir j’ai reçu un courrier du palais de Venise (9)  : le Duce, qui m’a tout l’air de se prendre pour Néron, désire que je lui trouve une émeraude ayant appartenu à un personnage illustre…
    Adalbert émit un petit sifflement :
    — Difficile de dire non. Et… tu es sûr que tu seras payé ?
    — Je pense, oui. Nous avons encore un roi et Mussolini ne peut pas se permettre, tant qu’il est là, de jouer les bandits de grands chemins…
    Vint enfin le moment que tous attendaient. La « Régente » fut apportée au commissaire-priseur qui d’abord la fit présenter, escortée de deux Savoyards, à ceux des acheteurs éventuels qui le souhaitaient. Un murmure, où Aldo décela du respect, parcourut ces gens sur qui semblait s’étendre l’ombre de l’Empereur. Les enchères s’égrenèrent dans un grand silence et opposèrent d’abord cinq prétendants. Elles montèrent vite, décourageant l’un après l’autre plusieurs acheteurs. Il en resta trois puis deux : cette fois il s’agissait de Gulbenkian et de Van Kippert qui ne cachait pas que la grande perle était l’unique but de sa présence. Ce fut lui qui l’emporta mais, dès que la « Régente » lui eut été adjugée, il se dressa debout, les bras levés dans un geste de victoire. Un coup de feu éclata. Il s’écroula tandis que la salle entière se levait en criant.
    Un instant, le tumulte fut indescriptible. Tout le monde voulait voir et le commissaire Langlois dut jouer des poings pour s’ouvrir le passage jusqu’au corps étendu sur lequel Muriel s’était abattue secouée de sanglots.
    Sur l’estrade, Maître Lair-Dubreuil s’était figé, le marteau d’ivoire toujours en main, ne songeant même pas à préserver la perle. Vivement, Aldo s’avança pour la protéger. Ce faisant, il vit une femme accourir d’un des côtés de la salle. Elle se précipitait vers la « Régente », les mains tendues mais le prince fut plus rapide et se saisit d’elle quand elle allait atteindre sa proie. Il eut, devant lui, un visage crispé, des yeux flamboyants qu’il reconnut d’autant plus aisément que la femme portait les mêmes vêtements que chez Piotr Vassilievich : c’était Marie Raspoutine.
    Elle se débattit comme une diablesse mais il tenait bon et elle gémit sous sa poigne :
    — Lâchez-moi !… Laissez-moi !… Je ne vous ai rien fait !…
    — À moi, non, mais ce pauvre Piotr ne pourrait en dire

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