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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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vous pourrez vous rendre à l’église vous-même. Mais si vous y tenez je suis prêt à entendre votre confession. »
    Herbert se mit à genoux. « Mon âme est en grand péril, mon père. Mais je suis décidé à faire pénitence et à réparer mes fautes. »
    Et le prêtre entendit une interminable confession. Il apprit sur le gros châtelain des choses qu’il n’eût jamais soupçonnées
    — Herbert s’accusait d’avoir sciemment provoqué la mort de son beau-frère de Buchie, en le faisant boire malgré son foie malade ; d’avoir lui-même fait dévaliser et tuer des marchands du Midi qui passaient sur la route comtale, derrière Hervi ; d’avoir prêté a gages et exigé des intérêts plus forts que ceux des juifs ; d’avoir menti en confession ; d’avoir violé un garçon, page d’un chevalier de Troyes ; d’avoir vendu du vin mêlé d’eau ; d’avoir rompu les jeûnes en secret ; d’avoir commis l’inceste avec sa demi-sœur ; d’avoir, un jour qu’il était ivre, célébré lui-même une parodie sacrilège de mariage entre un chien et une truie – enfin, le père Arthème en était à se demander si Herbert n’inventait pas ses péchés exprès, comme le font parfois des gens en mal de scrupule et qui croient avoir commis tous les péchés qu’ils n’ont fait qu’entrevoir en pensée. Mais Herbert n’était pas homme à se dire plus mauvais qu’il n’était. « Jamais, dit le prêtre, vous n’aurez l’absolution avant d’avoir fait pénitence et expié. Devant la justice du siècle vous méritez la mort.
    — Hé ! à quoi sert la confession, alors ? Pour aller confesser mes fautes aux juges du comte et me faire pendre je n’ai pas besoin de prêtre.
    — Je vous le dis, mon fils, il eût mieux valu pour votre âme d’expier devant la justice du monde ; mais nous ne pouvons vous y forcer. Par une erreur propre aux hommes du siècle, ce chemin vous parait trop dur. C’est pourtant le plus facile.
    — Bon. Mais dites-moi alors le plus difficile.
    — Réparez autant que possible les torts que vous avez causés à votre prochain, renoncez au monde, et allez vivre dans le désert, jeûnant et pleurant sur vos péchés.
    — On me l’a dit déjà cent fois. Mais voyez-vous, mon père, je suis un homme capable, j’ai une tête pour faire bâtir routes et ponts et châteaux et églises, je peux faire du bien au pays.
    — On ne fait pas de bien avec de l’argent mal acquis. Et même si vous faites ainsi du bien au pays, vous n’en faites pas à votre âme, et vous n’éviterez pas les tourments de l’enfer.
    — Ah ! mon père, un vieux loup n’a plus peur du feu, tant que le feu ne le brûle pas. On m’en a trop souvent parlé, des tourments de l’enfer. Et puis, qui les a vus, pour qu’on en parle ainsi comme d’une chose certaine ? C’est peut-être bien impie de dire cela, mais il me semble que là les prêtres en disent plus qu’ils ne savent.
    — Mon fils, on dit que de saints ermites en ont eu des révélations si terribles que leurs cheveux en sont devenus blancs en une seule nuit. Et ne connaissez-vous pas la parabole de Lazare et du mauvais riche ?
    — Bien sûr, bien sûr. Moi, je ne suis pas un saint ermite, alors le diable m’obscurcit tant l’esprit que je n’ai plus peur de tout cela. C’est de la mort du corps que j’ai peur, mon père, et on m’offrirait demain la place de saint Georges au paradis, que je la refuserais.
    — Voilà, dit le prêtre, des paroles bien indignes d’un chrétien, et encore d’un soldat.
    — On voit bien que vous n’avez jamais tenu l’épée, mon père. Croyez-vous qu’un soldat n’ait pas peur ? Il a plus d’occasions d’avoir peur qu’un autre. C’est quand on tient à sa vie qu’on tient aussi à la vendre cher. Et ne me dites pas de m’enterrer dans le désert, car je serais un bien plus mauvais ermite que je ne suis mauvais châtelain. Imposez-moi une punition qui soit plus conforme à ma nature. Je ferai de mon mieux. »
    Il marchanda assez longtemps, et le père Arthème réussit à la fin à lui faire comprendre qu’il fallait d’abord réparer. Ensuite peut-être aurait-il l’absolution.
    Le matin se leva, brumeux et frais. La pluie avait éteint le feu presque partout. De la forêt, noire et rousse, montaient des filets de fumée, le village était brûlé entièrement ; les paysans allaient retirer des maisons noires et encore fumantes çà et là les pots

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