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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eiji Yoshikawa
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la ville portuaire pleine de monde de Narumi il avait marché sur une
planche où se trouvait un clou. Son pied rouge et enflé ressemblait à un kaki
au vinaigre, et, depuis la veille, Musashi avait la fièvre.
    Selon ses critères, il s’était
battu contre un clou, et le clou avait gagné. En tant qu’étudiant des arts
martiaux, il se sentait humilié de s’être laissé prendre par surprise. « N’y
a-t-il aucun moyen de résister à un ennemi de ce genre ? se demanda-t-il à
plusieurs reprises. La pointe du clou, dirigée vers le haut, était clairement
visible. J’ai marché dessus parce que je dormais à moitié... non, j’étais
aveugle parce que mon esprit n’est pas encore actif à travers tout mon corps.
Pis : j’ai laissé le clou pénétrer profond, preuve de la lenteur de mes
réflexes. Si je m’étais maîtrisé parfaitement, j’aurais remarqué le clou dès
que l’aurait touché la semelle de ma sandale. »
    Ce qui n’allait pas, conclut-il, c’était
son immaturité. Son corps et son sabre ne formaient pas encore une unité ;
ses bras avaient beau devenir de jour en jour plus robustes, son esprit et le
reste de son corps n’étaient pas en harmonie. Avec sa tournure d’esprit portée
à l’autocritique, cela lui faisait l’effet d’une difformité paralysante.
    Pourtant, il ne croyait pas avoir
entièrement perdu son temps au cours des six derniers mois. Après sa fuite de Yagyū,
il était d’abord allé à Iga puis il avait grimpé la grand-route d’Omi, puis
traversé les provinces de Mino et d’Owari. Dans chaque ville, dans chaque ravin
de montagne, il avait cherché à maîtriser la véritable Voie du sabre. Parfois,
il avait eu l’impression de la frôler mais son secret demeurait insaisissable ;
il ne se trouvait caché ni dans les villes ni dans les ravins.
    Musashi ne pouvait se rappeler
combien de guerriers il avait combattus ; il y en avait eu des douzaines,
tous des hommes d’épée éminents, bien entraînés. Il était facile de trouver des
hommes d’épée compétents. Le plus difficile à trouver était un homme véritable.
Alors que le monde était plein de gens, beaucoup trop plein, trouver un être
humain authentique ne se révélait pas commode. Dans ses voyages, Musashi en
était venu à croire cela très profondément, jusqu’à la souffrance, et cela le
décourageait. Mais alors, son esprit se tournait toujours vers Takuan, car là,
sans aucun doute, se trouvait un être authentique, unique.
    « Je suppose que j’ai de la
chance, pensait Musashi. Du moins ai-je eu la bonne fortune de connaître un
homme véritable. Je dois veiller à ce que cette rencontre porte fruit. »
    Chaque fois que Musashi pensait à
Takuan, une certaine douleur physique se répandait à partir de ses poignets dans
son corps entier. Sensation bizarre, souvenir physiologique de l’époque où on l’avait
lié solidement à la branche du cryptomeria. « Un peu de patience ! se
dit Musashi. Un de ces jours, je ligoterai Takuan à cet arbre, m’assiérai par
terre et lui prêcherai la véritable Voie ! » Non qu’il en voulût à
Takuan, ni eût aucun désir de vengeance. Simplement, il désirait montrer que l’état
d’existence auquel on pouvait atteindre par la Voie du sabre était plus élevé
qu’aucun de ceux que l’on pouvait atteindre en pratiquant le Zen. Musashi
souriait à l’idée qu’il pourrait un jour renverser les rôles avec ce moine
excentrique.
    Certes, les choses ne se
passeraient peut-être pas exactement comme prévu ; mais à supposer que
Musashi réalisât de grands progrès, à supposer qu’il finît par être en mesure
de ligoter Takuan dans l’arbre et de le chapitrer, que pourrait dire Takuan,
alors ? A coup sûr, il pousserait des cris de joie et proclamerait : « C’est
magnifique ! Maintenant, je suis heureux. »
    Mais non, jamais Takuan ne serait
aussi direct. Etant Takuan, il éclaterait de rire en disant : « Quel
idiot ! Tu fais des progrès, mais tu es toujours un idiot ! »
    Les mots proprement dits n’auraient
pas de véritable importance. L’important était que Musashi avait le curieux
sentiment que le fait d’assener à Takuan sa supériorité personnelle était
quelque chose qu’il devait au moine. Fantasme assez innocent ; Musashi s’était
engagé sur une Voie personnelle, et découvrait jour après jour l’infinie
longueur et difficulté du chemin qui mène à la véritable humanité. Quand

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