La Prison d'Édimbourg
théâtre ; d’autres, assis sur un banc à part, discutaient gravement la doctrine du crime par interprétation, et sur le sens précis du statut. Le banc du tribunal était prêt pour les juges. Les jurés étaient déjà à leur place ; les conseillers de la couronne feuilletaient leurs brefs et leurs notes de la déposition des témoins, avaient l’air grave et se parlaient à l’oreille ; ils occupaient un côté d’une large table placée sous le banc des juges. De l’autre étaient assis les avocats à qui l’humanité de la loi écossaise (plus libérale ici que celle d’Angleterre) non seulement permet, mais encore enjoint d’assister de leurs conseils tous les accusés. Nicol Novit avait l’air affairé et important ; il ne cessait de parler au conseil du panel (c’est ainsi qu’on appelle le prévenu, style de palais en Écosse).
– Ou sera-t-elle placée ? demanda au laird le malheureux père d’une voix basse et tremblante, lorsqu’ils entrèrent dans la salle.
Dumbiedikes fit un signe à Novit, qui s’approcha d’eux, et qui leur montra un espace vacant à la barre, en face des siéges des juges. Il offrit de les y conduire.
– Non ! s’écria Deans, non ! je ne puis me placer près d’elle. Je ne veux pas qu’elle me voie ; je veux pouvoir en détourner mes yeux. Cela vaudra mieux pour tous deux.
Saddletree, qui, en voulant dire son mot au conseil de l’accusée, avait reçu plus d’une fois l’avis de se mêler de ses affaires, vit avec plaisir qu’il avait une occasion de montrer son importance ; et, grâce à son crédit près des huissiers, il obtint pour Deans et sa fille une place dans un coin où ils étaient presque entièrement cachés par la protection du banc des juges.
– Il est bon d’avoir des amis en cour, dit-il au vieillard, qui n’était en état ni de l’écouter ni de lui répondre. – Sans moi, vous n’auriez pu vous procurer une place comme celle-ci. Les lords vont arriver incontinent, et ouvrir instanter la séance ; ils n’ont pas besoin de clore, la cour d’une barrière comme dans les circuits : la haute cour criminelle est toujours close. – Et mais ! pour l’amour du Seigneur, qu’est-ce que cela ! – Jeanie, vous êtes un témoin cité – Huissier, cette fille est témoin ; – il faut qu’on l’enferme ; – elle ne saurait rester avec tout le monde. – N’est-il pas vrai, M. Novit, qu’il faut enfermer Jeanie Deans ?
Novit fit un signe de tête affirmatif, et offrit à Jeanie de la conduire dans la chambre des témoins : suivant l’usage scrupuleux des cours d’Écosse, ils y restent jusqu’à ce qu’on les appelle pour faire leur déposition, séparés de tous ceux qui pourraient exercer quelque influence sur la déclaration qu’ils ont à faire, ou les informer de ce qui se passe au tribunal pendant l’instruction du procès.
– Cela est-il absolument nécessaire ? demanda Jeanie, qui éprouvait beaucoup de répugnance à quitter son père.
– Indispensable ! dit Saddletree. Qui a jamais vu un témoin rester dans la salle des séances ?
– C’est réellement une chose nécessaire, dit M. Novit ; – et Jeanie bien à contre-cœur se rendit dans la chambre des témoins, à la suite de l’huissier.
– C’est là ce qu’on appelle séquestrer un témoin, M. Deans, dit Saddletree, ce qui n’est pas la même chose que de séquestrer les biens. J’ai été souvent moi-même séquestré comme témoin, car le sheriff est dans l’usage de m’appeler pour attester les déclarations par révélation anticipée, M. Sharpitlaw de même ; mais je n’ai jamais eu mes biens séquestrés qu’une fois, et il y a long-temps, avant mon mariage. Mais chut ! chut ! voici la cour qui arrive.
En ce moment les cinq lords de la cour de justice, revêtus de leurs robes écarlates bordées de blanc, entrèrent dans la salle précédés de leur massier, et prirent séance.
Tout l’auditoire se leva par respect à leur arrivée ; et le bruit que ce mouvement avait occasioné cessait à peine, qu’il s’en éleva un bien plus considérable, causé par la multitude qui s’empressait d’entrer par les portes de la salle et des galeries, ce qui annonçait que l’accusée allait paraître à la barre. Les portes ne sont ouvertes d’avance qu’aux personnes qui ont droit d’être présentes, ou à celles qui occupent un rang dans la société ; et le tumulte a lieu lorsqu’on laisse
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