La Prison d'Édimbourg
d’inquiétude que Deans entendit Reuben lui répondre qu’il prendrait la nuit pour y réfléchir, et qu’il lui donnerait sa réponse le lendemain matin. L’amour paternel était ce qui dominait en ce moment dans le cœur du vieillard. Il insista pour qu’il passât la soirée avec lui. Il alla même (chose rare !) chercher dans son cellier deux bouteilles de vieille ale. Il parla de sa fille, de son affection, de ses bonnes qualités, de son économie ; enfin il amena Butler à lui faire l’aveu de son amour pour elle, et le mariage fut décidé avant que la nuit arrivât.
Ils auraient regardé comme peu délicat d’abréger le terme que Reuben avait demandé pour délibérer sur ce qu’il devait faire, mais il parut suffisamment convenu entre eux qu’il deviendrait très probablement ministre de Knocktarlity, pourvu que la congrégation fut aussi portée à l’agréer que le duc à le présenter. Quant au Shibboleth, ils arrêtèrent qu’il serait temps de le discuter quand on le lui demanderait.
Plus d’un arrangement fut adopté ce soir-là, et convenu ensuite dans une correspondance avec l’homme d’affaires du duc d’Argyle, qui confia à Deans et à Butler les intentions bienveillantes de Sa Grâce. Le duc désirait qu’ils allassent tous attendre Jeanie revenant d’Angleterre à la Loge-de-Chasse de Roseneath.
Ce coup d’œil en arrière, si intéressant pour les paisibles amours de Jeanie Deans et de Butler, explique le récit précédent jusqu’à l’époque où nous avons abordé à l’île de Roseneath.
CHAPITRE XLIV.
« Toi que je puis nommer par les noms les plus doux
» Qu’aux mortels fortunés ait permis la nature,
» Ma femme, reconnais la voix de ton époux.
» Maisons, amis, parens, quitte tout sans murmure ;
» Ma maison, mes amis, mes parens sont les tiens. »
LOGAN.
La réunion de Jeanie et de Butler, dans les circonstances qui promettaient de couronner l’union de deux cœurs attachés l’un à l’autre depuis si long-temps, fut plus remarquable par la sincérité de leur affection que par la véhémence de leurs transports. David Deans, dont la théorie n’était pas toujours d’accord avec la pratique, les inquiéta d’abord en leur citant les opinions de plusieurs célèbres prédicateurs presbytériens, qui avaient soutenu que le mariage, quoique déclaré honorable par les lois de l’Écriture, était témérairement envié par les chrétiens, et surtout par les jeunes ministres, dont quelquefois le désir désordonné de paroisses, d’émolumens et de femmes, avait occasioné mainte complaisance coupable pour la défection générale du temps. Il leur dit aussi qu’un mariage trop précipité avait été la perte de plus d’un sage professeur de la foi ; que la femme incrédule n’avait que trop souvent justifié la prédiction des livres saints en pervertissant l’époux ; croyant enfin que, lorsque le fameux Donald Cargill, alors caché à Lee-Wood, dans le comté de Lanark, à une époque de mort pour les fidèles, avait marié, pour céder à ses importunités, Robert Marshall de Starry Shaw, il s’était exprimé en ces termes : – Qui a engagé Robert à épouser cette femme ? elle a fait triompher sa pensée coupable sur sa volonté pieuse ; – il ne suivra pas long-temps le droit chemin ; – ses jours de prospérité sont finis. – Je fus témoin moi-même du triste accomplissement de cette prophétie, ajouta David, car Robert Marshall s’étant laissé aller à de fatales complaisances pour l’Ennemi, revint chez lui, entendit les prêtres intrus, fit d’autres démarches de défection, et perdit la bonne estime qu’on avait de lui.
– En effet, observait David, les grands soutiens de l’étendard de la foi, Cargill, Peden, Cameron et Renwick, avaient moins de plaisir à bénir les nœuds du mariage qu’à remplir les autres fonctions de leur ministère ; et, quoiqu’ils s’abstinssent de dissuader les autres ou de leur refuser leurs fonctions, ils considéraient ceux qui les appelaient pour cette solennité comme des indifférens aux tristes épreuves du temps. Mais, tout en maintenant que le mariage était pour plusieurs un piége, David était d’avis (comme il l’avait prouvé par son exemple) qu’il était en lui-même honorable, surtout dans une époque où les honnêtes gens pouvaient être à l’abri d’être fusillés, pendus ou bannis, et avaient de quoi vivre pour eux et pour ceux
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