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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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demander grâce, moquée, perdue, sans asile, rejetée de ton mari. Où serais-tu si, le soir, je n'avais eu la charité de te faire voir l' in pace qu'on te préparait dans la tour ?... C'est tard, bien tard, que tu me viens, et quand on t'a nommée la vieille... Jeune, tu ne m'as pas bien traité, moi, ton petit lutin d'alors, si empressé à te servir... A ton tour (si je veux de toi) de me servir, et de baiser mes pieds.
     Tu fus mienne dès ta naissance par ta malice contenue, par ton charme diabolique. J'étais ton amant, ton mari. Le tien t'a fermé sa porte. Moi, je ne ferme pas la mienne. Je te reçois dans mes domaines, mes libres prairies, mes forêts... Qu'y gagné-je ? Est-ce que dès longtemps je ne t'ai pas à mon heure ? Ne t'ai-je pas envahie, possédée, emplie de ma flamme ? J'ai changé, remplacé ton sang. Il n'est veine de ton corps où je ne circule pas. Tu ne peux pas savoir toi-même à quel point tu es mon épouse. Mais nos noces n'ont pas eu encore toutes les formalités. J'ai des mœurs, je me fais scrupule... Soyons un pour l'éternité.
     — Messire, dans l'état où je suis, que dirais-je ? Oh ! je l'ai senti, trop bien senti, que dès longtemps vous êtes toute ma destinée. Vous m'avez malicieusement caressée, comblée, enrichie, afin de me précipiter... Hier, quand le lévrier noir mordit ma nudité, sa dent brûlait... J'ai dit : « C'est lui. » le soir, quand cette Hérodiade salit, effraya la table, quelqu'un était entremetteur pour qu'on promît mon sang... C'est vous.
     — Oui, mais c'est moi qui t'ai sauvée et qui t'ai fait venir ici. J'ai fait tout, tu l'as deviné. Je t'ai perdue. Et pourquoi ? C'est que je te veux sans partage. Franchement, ton mari m'ennuyait. Tu chicanais, tu marchandais. Tout autres sont mes procédés. Tout ou rien. Voilà pourquoi je t'ai un peu travaillée, disciplinée, mise à point, mûrie pour moi... Car telle est ma délicatesse. Je ne prends pas, comme on croit, tant d'âmes sottes qui se donneraient. Je veux des âmes élues, à un certain état friand de fureur et de désespoir... Tiens, je ne peux te le cacher, telle que tu es aujourd'hui, tu me plais ; lu t'embellis fort ; tu es une âme désirable... Oh ! qu'il y a longtemps que je t'aime !... Mais aujourd'hui j'ai faim de toi...
     Je ferai grandement les choses. Je ne suis pas de ces maris qui comptent avec leur fiancée. Si tu ne voulais qu'être riche, cela serait à l'instant même. Si tu ne voulais qu'être reine, remplacer Jeanne de Navarre, quoiqu'on y tienne, on le ferait, et le roi n'y perdrait guère en orgueil, en méchanceté. Il est plus grand d'être ma femme. Mais enfin, dis ce que tu veux.
     — Messire, rien que de faire du mal.
     — Charmante, charmante réponse !... Oh ! que j'ai raison de t'aimer !... En effet, cela contient tout, toute la loi et tous les prophètes... Puisque tu as si bien choisi, il te sera, par-dessus, donné de surplus tout le reste. Tu auras tous mes secrets : Tu verras au fond de la terre. Le monde viendra à toi, et mettra l'or à tes pieds... Plus, voici le vrai diamant, mon épousée, que je te donne, la vengeance... Je te sais, friponne, je sais ton plus caché désir... Oh ! que nos cœurs s'entendent là... C'est bien là que j'aurai de toi la possession définitive. Tu verras ton ennemie agenouillée devant toi , demandant grâce et priant, heureuse si tu la tenais quitte en faisant ce qu'elle te fit. Elle pleurera... Toi, gracieuse, tu diras : Non , et la verras crier : Mort et damnation !... Alors, j'en fais mon affaire.
    » — Messire, je suis votre servante... J'étais ingrate, c'est vrai. Car vous m'avez comblée toujours. Je vous appartiens, ô mon maître ! ô mon dieu ! Je n'en veux plus d'autre... Suaves sont vos délices. Votre service est très-doux. »
    Là, elle tombe à quatre pattes, l'adore !... Elle lui fait d'abord l'hommage, dans les formes du Temple, qui symbolise l'abandon absolu de la volonté. Son maître, le Prince du monde, le Prince des vents, lui souffle à son tour comme un impétueux esprit. Elle reçoit à la fois les trois sacrements à rebours, baptême, prêtrise et mariage. Dans cette nouvelle Église, exactement l'envers de l'autre, toute chose doit se faire à l'envers. Soumise, patiente, elle endura la cruelle initiation 28. , soutenue de ce mot : « Vengeance ! »
     
    Bien loin que la foudre infernale l'épuisât, la fit languissante, elle se releva

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