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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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entourée de tout son monde, arrête et salue son époux.
    Avant toute chose, elle dit : « Que je vous ai donc attendu ! Comment laissez-vous la fidèle épouse si longtemps veuve et languissante ?... Eh bien, pourtant, je ne peux pas vous donner place ce soir, si vous ne m'octroyez un don. — Demandez, demandez, ô belle ! dit le chevalier en riant. Mais faites vite... Car j'ai hâte de vous embrasser, ma Dame... Que je vous trouve embellie ! »
    Elle lui parla à l'oreille, et l'on ne sait ce qu'elle dit. Avant de monter au château, le bon seigneur mit pied à terre devant l'église du village, entra. Sous le porche, en tête des notables, il voit une dame qu'il ne reconnaît pas, mais salue profondément. D'une fierté incomparable, elle portait bien plus haut que toutes les têtes des hommes le sublime hennin de l'époque, le triomphant bonnet du diable. On l'appelait souvent ainsi, à cause de la double corne dont il était décoré. La vraie dame rougit éclipsée, et passa toute petite. Puis, indignée, à demi voix : « La voilà pourtant, votre serve ! C'est fini. Tout est renversé. Les ânes insultent les chevaux. »
    A la sortie, le hardi page, le favori, de sa ceinture tire un poignard affilé, et lestement, d'un seul tour, coupe la belle robe verte aux reins 27. . Elle faillit s'évanouir.. La foule était interdite. Mais on comprit quand on vit toute la maison du seigneur qui se mit à lui faire la chasse... Rapides et impitoyables sifflaient, tombaient les coups de fouet... Elle fuit, mais pas bien fort ; elle est déjà un peu pesante. A peine elle a fait vingt pas, qu'elle heurte. Sa meilleure amie lui a mis sur le chemin une pierre pour la faire chopper... On rit. Elle hurle, à quatre pattes... Mais les pages impitoyables la relèvent à coups de fouet. Les nobles et jolis lévriers aident et mordent au plus sensible. Elle arrive enfin, éperdue, dans ce terrible cortège, à la porte de sa maison. — Fermée ! — Là, des pieds et des mains, elle frappe, elle crie : « Mon ami, oh ! vite ! vite ! ouvrez-moi ! » Elle était étalée là, comme la misérable chouette qu'on cloue aux portes d'une ferme... Et les coups, en plein, lui pleuvaient... — Au dedans, tout était sourd. Le mari y était-il ? ou bien, riche et effrayé, avait-il peur de la foule, du pillage de la maison ?
    Elle eut là tant de misères, de coups, de soufflets sonores, qu'elle s'affaissa, défaillit. Sur la froide pierre du seuil, elle se trouva assise, à nu, demi morte, ne couvrant guère sa chair sanglante que des flots de ses longs cheveux. Quelqu'un du château dit : « Assez... On n'exige pas qu'elle meure. »
    On la laisse. Elle se cache. Mais elle voit en esprit le grand gala du château. Le seigneur, un peu étourdi, disait pourtant : « J'y ai regret. » Le chapelain dit doucement : « Si cette femme est endiablée , comme on le dit, monseigneur, vous devez à vos bons vassaux, vous devez à tout le pays, de la livrer à Sainte Église. Il est effrayant, de voir, depuis ces affaires du Temple et du Pape, quels progrès fait le démon. Contre lui, rien que le feu... » — Sur cela un Dominicain : « Votre Révérence a parlé excellemment bien. La diablerie, c'est l'hérésie au premier chef. Comme l'hérétique, l'endiablé doit être brûlé. Pourtant plusieurs de nos bons Pères ne se fient plus au feu même. Ils veulent sagement qu'avant tout l'âme soit longuement purgée, éprouvée, domptée par les jeûnes ; qu'elle ne brûle pas dans son orgueil, qu'elle ne triomphe pas au bûcher. Si, madame, votre piété est si grande, si charitable, que vous-même vous preniez la peine de travailler sur celle-ci, la mettant pour quelques années in pace dans une bonne fosse dont vous seule auriez la clef ; vous pourriez, par la constance du châtiment, faire du bien à son âme, honte au diable, et la livrer, humble et douce, aux mains de l'Église. »
    24. Les démons troublent le monde pendant tout le moyen âge. Mais Satan ne prend pas son caractère définitif avant le treizième siècle. « Les pactes , dit M. A. Maury, sont fort rares avant cette époque. » Je le crois. Comment contracter avec celui qui vraiment n'est pas encore ? Ni l'un ni l'autre des contractants n'était mûr pour le contrat. Pour que la volonté en vienne à cette extrémité terrible de se vendre pour l'éternité, il faut qu'elle ait désespéré . Ce n'est guère le malheureux qui arrive au

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