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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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déplorables, que nulle exécution n'en peut faire d'heureuses œuvres d'art.
    4. Cette terrible fantaisie n'était pas rare chez ces grandes dames, nobles captives des châteaux. Elles avaient faim et soif de liberté, do libertés cruelles. Boguet raconte que, dans les montagnes de l'Auvergne, un chasseur tira, certaine nuit, sur une louve, la manqua, mais lui coupa la patte. Elle s'enfuit en boitant. Le chasseur se rendit dans un château voisin pour demander l'hospitalité au gentilhomme qui l'habitait. Celui-ci, eu l'apercevant, s'enquit s'il avait fait bonne chasse. Pour répondre à cette question, il voulut tirer de sa gibecière la patte qu'il venait do couper à la louve ; mais quelle ne fut point sa surprise, en trouvant, au lieu d'une patte, une main, et à l'un des doigts un anneau que le gentilhomme reconnut pour être celui de sa femme ! Il se rendit immédiatement auprès d'elle, et la trouva blessée et cachant son avant-bras. Ce bras n'avait plus de main : on y rajusta ce que le chasseur avait rapporté, et force fut à la dame d'avouer que c'était bien elle qui, sous la forme de louve, avait attaqué le chasseur, et s'était sauvée ensuite en laissant une patte sur le champ do bataille. Le mari eut la cruauté de la livrer à la justice, et elle fut brûlée.
    5. Voir mon Histoire de France , et surtout la savante et exacte notice de notre si regrettable Armand Guéraud : Notice sur Gilles de Rais , Nantes, 1855 (reproduite dans la Biographie bretonne de M. Levot). — On y voit que les pourvoyeurs de l'horrible char nier d'enfants étalent généralement des hommes. La Meffraye, qui s'en mêlait aussi, était-elle sorcière ? On ne le dit pas. M. Guéraud devait publier le Procès , Il est à désirer qu'on fasse cette publication, mais sincère, intégrale, non mutilée. Les manuscrits sont à Nantes, à Paris. Mon savant ami, M. Dugast-Matifeux, m'apprend qu'il en existe une copie plus complète que ces originaux aux archives de Thouars (provenant des la Trémouille et des Serrant).
    6. Pouchet, Solanées et Botanique générale. — Nysten, Dictionnaire de médecine (édition Littré et Robin), article Datura . Les voleurs n'emploient que trop ces breuvages. Ils en firent prendre un jour au bourreau d'Aix et à sa femme, qu'ils voulaient dépouiller de leur argent ; ces deux personnes entrèrent dans un si étrange délire, que pendant toute une nuit ils dansèrent tout nus dans un cimetière.
    7. Cet orgueil la menait parfois à un furieux libertinage. De là ce mot allemand : « La sorcière en son grenier a montré à sa camarade quinze beaux fils en habit vert ; et lui a dit : « Choisis ; ils sont à toi. » — Son triomphe était de changer les rôles, d'infliger comme épreuves d'amour les plus choquants outrages aux nobles, aux grands, qu'elle abrutissait. On sait que les reines, aussi bien que les rois, les hautes dames (en Italie encore au dernier siècle, Collection Maurepas , XXX, III), recevaient, tenaient cour au moment le plus rebutant, et se faisaient servir aux choses les moins désirables par les personnes favorisées. De la fantasque idole, on adorait, on se disputait tout. Pour peu qu'elle fût jeune et jolie, moqueuse, il n'était pas d'épreuve si basse, si choquante que ces animaux domestiques (le sigisbé, l'abbé, un page fou) ne fussent prêts à subir, sur l'idée sotte qu'un philtre répugnant avait plus de vertu. Cela déjà est triste pour la nature humaine. Mais que dire de cette chose prodigieuse que la sorcière, ni grande dame » ni jolie, ni jeune, pauvre et peut-être une serve, en sales haillons, par sa malice seule, je ne sais quelle furie libertine, une perfide fascination, hébétât, dégradât à ce point les plus graves personnages ? Des moines d'un couvent du Rhin, de ces fiers couvents germaniques où l'on n'entrait qu'avec quatre cents ans de noblesse, firent à Sprenger ce triste aveu : « Nous l'avons vue ensorceler trois de nos abbés tour à tour, tuer le quatrième, disant avec effronterie : « Je l'ai fait et le ferai, et ils ne pourront se tirer de là, parce qu'ils ont mangé, etc. » ( Comederunt meam ..., etc. Sprenger, Malleus maleficarum, quæstio VII, p. 84). Le pis pour Sprenger, et ce qui fait son désespoir, c'est qu'elle est tellement protégée, sans doute par ces fous, qu'il n'a pu la brûler : « Faleor quia nobis non aderat ulciscendi aut inquirendi super cam facultas ; ideo adhuc superest . »

II
    Le

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