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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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Chose très-générale dans l'ancienne France, me disait le savant et exact M. Montell.
    52. Lancre parle de sorcières aimées et adorées.
    1. Voir la fin de la sorcière de Berkeley dans Guillaume de Malmesbury.

Livre deuxième
    I
    Sorcière de la décadence - Satan multiplié, vulgarisé
    Le délicat bijou du Diable, la petite sorcière conçue de la Messe noire où la grande a disparu, elle est venue, elle a fleuri, en malice, en grâce de chat. Celle-ci, toute contraire à l'autre ; fine et oblique d'allure, sournoise, filant doucettement, faisant volontiers le gros dos. Rien de titanique, à coup sûr. Loin de là, basse de nature. Dès le berceau, lubrique et toute pleine de mauvaises friandises. Elle exprimera toute sa vie certain moment nocturne, impur et trouble, où certaine pensée, dont on eût eu horreur le jour, usa des libertés du rêve.
    Celle qui naît avec ce secret dans le sang, cette science instinctive du mal, qui a vu si loin et si bas, elle ne respectera rien, ni chose ni personne en ce monde, n'aura guère de religion. Guère pour Satan lui-même, car il est encore un esprit, et celle-ci a un goût unique pour toute chose de matière.
    Enfant, elle salissait tout. Grandelette, jolie, elle étonne de malpropreté. Par elle, la sorcellerie sera je ne sais quelle cuisine de je ne sais quelle chimie. De bonne heure, elle manipule surtout les choses répugnantes, les drogues aujourd'hui, demain les intrigues. C'est là son élément, les amours et les maladies. Elle sera fine entremetteuse, habile, audacieuse empirique. On lui fera la guerre pour de prétendus meurtres, pour l'emploi des poisons. Elle a peu l'instinct de telles choses, peu le goût de la mort. Sans bonté, elle aime la vie, à guérir, prolonger la vie. Elle est dangereuse en deux sens : elle vendra des recettes de stérilité, d'avortement peut-être. D'autre part, effrénée, libertine d'imagination, elle aidera volontiers à la chute des femmes par ses damnés breuvages, jouira des crimes d'amour.
    Oh ! que celle-ci diffère de l'autre ! C'est un industriel. L'autre fut l'Impie, le Démon ; elle fut la grande Révolte, la femme de Satan, et, on peut dire, sa mère. Car il a grandi d'elle et de sa puissance intérieure. Mais celle-ci est tout au plus la fille du Diable. Elle a de lui deux choses, elle est impure, et elle aime à manipuler la vie. C'est son lot ; elle y est artiste, — déjà artiste à vendre, et nous entrons dans le métier.
     
    On dit qu'elle se perpétuera par l'inceste dont elle est née. Mais elle n'en a pas besoin. Sans mâle, elle fera d'innombrables petits. En moins de cinquante ans, au début du quinzième siècle, sous Charles VI, une contagion immense s'étend. Quiconque croit avoir quelques secrets, quelques recettes, quiconque croit deviner, quiconque rêve et voyage en rêvant, se dit favori de Satan. Toute femme lunatique prend pour elle ce grand nom : Sorcière.
    Nom périlleux, nom lucratif, lancé par la haine du peuple, qui, tour à tour, injurie et implore la puissance inconnue. Il n'en est pas moins accepté, revendiqué souvent. Aux enfants qui la suivent, aux femmes qui menacent du poing, lui jettent ce mot comme une pierre, elle se retourne, et dit avec orgueil : « C'est vrai ! vous l'avez dit ! »
    Le métier devient bon, et les hommes s'en mêlent. Nouvelle chute pour l'art. La moindre des sorcières a cependant encore un peu de la Sibylle. Ceux-ci, sordides charlatans, jongleurs grossiers, taupiers, tueurs de ruts, jetant des sorts aux bêtes, vendant les secrets qu'ils n'ont pas, empuantissent ce temps de sombre fumée noire, de peur, et de bêtise. Satan devient immense, immensément multiplié. Pauvre triomphe ! Il est ennuyeux, plat. Le peuple afflue pourtant à lui, ne veut guère d'autre Dieu. C'est lui qui se manque à lui-même.
    Le quinzième siècle, malgré deux ou trois grandes inventions, n'en est pas moins, je crois, un siècle fatigué, de peu d'idées.
    Il commence très-dignement par le sabbat royal de Saint-Denis, le bal effréné et lugubre que Charles VI fit dans cette abbaye pour l'enterrement de Duguesclin, enterré depuis tant d'années. Trois jours, trois nuits, Sodome se roula sur les tombes. Le fou, qui n'était pas encore idiot, força tous ces rois, ses aïeux, ces os secs sautant dans leur bière, de partager son bal. La mort, bon gré, mal gré, devint entremetteuse, donna aux voluptés un cruel aiguillon. Là éclatèrent les modes

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