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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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pitié ! funeste d'ailleurs !... Ce qu'elle eût voulu, c'était que l'accusé ne s'endurcît pas , qu'il s'avouât coupable. Auquel cas il était sûr d'être brûlé, dans notre jurisprudence.
    Elle-même, du reste, était finie, elle ne pouvait plus rien. L'inquisiteur Michaëlis, humilié de n'avoir vaincu que par elle, irrité contre son exorciste flamand, qui s'était tellement subordonné à elle et avait laissé voir à tous les secrets ressorts de la tragédie, Michaëlis venait justement pour briser Louise, sauver Madeleine et la lui substituer, s'il se pouvait, dans ce drame populaire. Ceci n'était pas maladroit et témoigne d'une certaine entente de la scène. L'hiver et l'Avent avaient été remplis par la terrible sibylle, la bacchante furieuse. Dans une saison plus douce, dans un printemps de Provence, au Carême, aurait figuré un personnage plus touchant, un démon tout féminin dans une enfant malade et dans une blonde timide. La petite demoiselle appartenant à une famille distinguée, la noblesse s'y intéressait, et le Parlement de Provence.
    Michaëlis, loin d'écouter son Flamand, l'homme de Louise, lorsqu'il voulut entrer au petit conseil des parlementaires, lui ferma la porte. Un Capucin, venu aussi, au premier mot de Louise, cria ; « Silence, Diable maudit ! »
    Gauffridi cependant était arrivé à la Sainte-Baume, où il faisait triste figure. Homme d'esprit, mais faible et coupable, il ne pressentait que trop la fin d'une pareille tragédie populaire, et, dans sa cruelle catastrophe, il se voyait abandonné, trahi de l'enfant qu'il aimait. Il s'abandonna lui-même, et, quand on le mit en face de Louise, elle apparut comme un juge, un de ces vieux juges d'Église, cruels et subtils scolastiques. Elle lui posa les questions de doctrine, et à tout il répondait oui , lui accordant même les choses les plus contestables, par exemple, « que le Diable peut être cru en justice sur sa parole et son serment ».
    Cela ne dura que huit jours (du 1 er au 8 janvier). Le clergé de Marseille le réclama ses amis, les Capucins, dirent avoir visité sa chambre et n'avoir rien trouvé de magique, Quatre chanoines de Marseille vinrent d'autorité le prendre et le ramenèrent chez lui.
    Gauffridi était bien bas. Mais ses adversaires n'étaient pas bien haut. Même les doux inquisiteurs, Michaëlis et le Flamand, étaient honteusement en discorde. La partialité du second pour Louise, du premier pour Madeleine, dépassa les paroles même, et l'on en vint aux voies de fait. Ce chaos d'accusations, de sermons, de révélations, que le Diable avait dictées par la bouche de Louise, le Flamand, qui l'avait écrit, soutenait que tout cela était parole de Dieu, et craignait qu'on n'y touchât. Il avouait une grande défiance de son chef Michaëlis, craignant que, dans l'intérêt de Madeleine, il n'altérât ces papiers de manière à perdre Louise. Il les défendit tant qu'il put, s'enferma dans sa chambre, et soutint un siège. Michaëlis, qui avait les parlementaires pour lui, ne put prendre le manuscrit qu'au nom du roi et en enfonçant la porte.
    Louise, qui n'avait peur de rien, voulait au roi opposer le pape. Le Flamand porta appel contre son chef Michaëlis à Avignon, au légat. Mais la prudente cour papale fut effrayée du scandale de voir un inquisiteur accuser un inquisiteur. Elle n'appuya pas le Flamand, qui n'eut plus qu'à se soumettre. Michaëlis, pour le faire taire, lui restitua les papiers.
    Ceux de Michaëlis, qui forment un second procès-verbal assez plat et nullement comparable à l'autre, ne sont remplis que de Madeleine. On lui fait de la musique pour essayer de la calmer. On note très-soigneusement si elle mange ou ne mange pas. On s'occupe trop d'elle en vérité, et souvent de façon peu édifiante. On lui adresse des questions étranges sur le magicien, sur les places de son corps qui pouvaient avoir la marque du Diable. Elle-même fut examinée. Quoiqu'elle dût l'être à Aix par les médecins et chirurgiens du Parlement (p. 70), Michaëlis, par excès de zèle, la visita à la Sainte-Baume, et il spécifie ses observations (p. 69). Point de matrone appelée. Les juges, laïques et moines, ici réconciliés et n'ayant pas à craindre leur surveillance mutuelle, se passèrent apparemment ce mépris des formalités.
    Ils avaient un juge en Louise. Cette fille hardie stigmatisa ces indécences au fer chaud : « Ceux qu'engloutit le Déluge n'avaient pas tant fait que

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