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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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de Paris. — Pour réponse, on la fait communier devant lui. Le Diable communiant, le Diable recevant le corps de Dieu !... Le pauvre homme est stupéfait... Il s'humilie devant l'inquisition. Il a trop forte partie, ne dit plus un mot.
    Un des moyens de Louise, c'est de terrifier l'assistance, disant : « Je vois des magiciens... » Chacun tremble pour soi-même.
    Victorieuse, de la Sainte-Baume, elle frappe jusqu'à Marseille. Son exorciste flamand, réduit à l'étrange rôle de secrétaire et confident du Diable, écrit sous sa dictée cinq lettres :
    Aux Capucins de Marseille pour qu'ils somment Gauffridi de se convertir ; — aux mêmes Capucins pour qu'ils arrêtent Gauffridi, le garrottent avec une étole et le tiennent prisonnier dans telle maison qu'elle indique ; — plusieurs lettres aux modérés, à Catherine de France, aux Prêtres de la Doctrine, qui eux-mêmes se déclaraient contre elle. — Enfin, cette femme effrénée, débordée, insulte sa propre supérieure : « Vous m'avez dit au départ d'être humble et obéissante... Je vous rends votre conseil. »
    Verrine, le Diable de Louise, démon de l'air et du vent, lui soufflait des paroles folles, légères et d'orgueil insensé, blessant amis et ennemis, l'Inquisition même. Un jour elle se mit à rire de Michaëlis, qui se morfondait à Aix à prêcher dans le désert tandis que tout le monde venait l'écouter à la Sainte-Baume. « Tu prêches, ô Michaëlis, tu dis vrai, mais avances peu... et Louise, sans étudier, a atteint, compris le sommaire de la perfection. »
    Cette joie sauvage lui venait surtout d'avoir brisé Madeleine. Un mot y avait fait plus que cent sermons. Mot barbare : « Tu seras brûlée ! » (17 décembre.) La petite fille, éperdue, dit dès lors tout ce qu'elle voulait et la soutint bassement.
    Elle s'humilia devant tous, demanda pardon à sa mère, à son supérieur Romillion, à l'assistance, à Louise. Si nous en croyons celle-ci, la peureuse la prit à part, la pria d'avoir pitié d'elle, de ne pas trop la châtier.
    L'autre, tendre comme un roc, clémente comme un écueil, sentit qu'elle était à elle, pour en faire ce qu'elle voudrait. Elle la prit, l'enveloppa, l'étourdit et lui ôta le peu qui lui restait d'âme. Second ensorcellement, mais à l'envers de Gauffridi, une possession par la terreur. La créature anéantie marchant la sous verge et le fouet, on la poussa jour par jour dans cette voie d'exquise douleur d'accuser, d'assassiner celui qu'elle aimait encore.
    Si Madeleine avait résisté, Gauffridi eût échappé. Tout le monde était contre Louise.
    Michaëlis même à Aix, éclipsé par elle dans ses prédications, traité d'elle si légèrement, eût tout arrêté plutôt que d'en laisser l'honneur à cette fille.
    Marseille défendait Gauffridi, étant effrayée de voir l'Inquisition d'Avignon pousser jusqu'à elle, et chez elle prendre un Marseillais.
    L'évêque surtout et le chapitre défendaient leur prêtre. Ils soutenaient qu'il n'y avait rien en tout cela qu'une jalousie de confesseurs, la haine ordinaire des moines contre les prêtres séculiers.
    Les Doctrinaires auraient voulu tout finir. Ils étaient désolés du bruit. Plusieurs en eurent tant de chagrin, qu'ils étaient près de tout laisser et de quitter leur maison.
    Les dames étaient indignées, surtout madame Libertat, la dame du chef des royalistes, qui avait rendu Marseille au roi. Toutes pleuraient pour Gauffridi et disaient que le Démon seul pouvait attaquer cet agneau de Dieu.
    Les Capucins, à qui Louise si impérieusement ordonnait de le prendre au corps, étaient (comme tous les ordres de Saint-François) ennemis des Dominicains. Ils furent jaloux du relief que ceux-ci tiraient de leur possédée. La vie errante d'ailleurs qui mettait les Capucins en rapport continuel avec les femmes leur faisait souvent des affaires de mœurs. Ils n'aimaient pas qu'on se mit à regarder de si près la vie des ecclésiastiques. Ils prirent parti pour Gauffridi. Les possédés n'étaient pas chose si rare qu'on ne pût s'en procurer ; ils en eurent un à point nommé. Son diable, sous l'influence du cordon de saint François, dit tout le contraire du diable de Saint-Dominique, il dit, et ils écrivirent en son nom : « Que Gauffridi n'était nullement magicien, qu'on ne pouvait l'arrêter. »
    On ne s'attendait pas à cela, à la Sainte-Baume. Louise parut interdite. Elle trouva à dire seulement qu'apparemment les

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