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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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la voir seule à la chapelle. Il ne lui plaisait pas. Mais les religieuses lui défendaient tout autre confesseur, craignant qu'elle ne divulguât leurs petits mystères. Cela la livrait à Picart. Il l'attaqua malade, comme elle était presque mourante ; et il l'attaqua par la peur, lui faisant croire que David lui avait transmis des formules diaboliques. Il l'attaqua enfin par la pitié, en faisant le malade lui-même, la priant de venir chez lui. Dès lors il en fut maître, et il parait qu'il lui troubla l'esprit des breuvages du sabbat. Elle en eut les illusions, crut y être enlevée avec lui, être autel et victime. Ce qui n'était que trop vrai.
    Mais Picart ne s'en tint pas aux plaisirs stériles du sabbat. Il brava le scandale et la rendit enceinte.
    Les religieuses, dont il savait les mœurs, le redoutaient. Elles dépendaient aussi de lui par l'intérêt. Son crédit, son activité, les aumônes et les dons qu'il attirait de toutes parts, avaient enrichi leur couvent. Il leur bâtissait une grande église. On a vu par l'affaire de Loudun quelles étaient l'ambition, les rivalités de ces maisons, la jalousie avec laquelle elles voulaient se surpasser l'une l'autre. Picart, par la confiance des personnes riches, se trouvait élevé au rôle de bienfaiteur et second fondateur du couvent. « Mon cœur, disait-il à Madeleine, c'est moi qui bâtis cette superbe église. Après ma mort, tu verras des merveilles... N'y consens-tu pas ? »
    Ce seigneur ne se gênait guère. Il paya pour elle une dot, et de sœur laie qu'elle était, il la fil religieuse, pour que, n'étant plus tourière, et vivant à l'intérieur, elle pût commodément accoucher ou avorter. Avec certaines drogues, certaines connaissances, les couvents étaient dispensés d'appeler les médecins. Madeleine ( Interrog ., p. 13) dit qu'elle accoucha plusieurs fois. Elle ne dit point ce que devinrent les nouveau-nés.
     
    Picart, déjà âgé, craignait la légèreté de Madeleine, qu'elle ne convolât un matin à quelque autre confesseur à qui elle dirait ses remords. Il prit un moyen exécrable pour se l'attacher sans retour. Il exigea d'elle un testament où elle promettait de mourir quand il mourrait, et d'être où il serait . Grande terreur pour ce pauvre esprit. Devait-il, avec lui, l'entraîner dans sa fosse ? Devait-il la mettre en enfer ? Elle se crut à jamais perdue. Devenue sa propriété, son âme damnée, il en usait et abusait pour toutes choses. Il la prostituait dans un sabbat à quatre, avec son vicaire Boullé et une autre femme. Il se servait d'elle pour gagner les autres religieuses par un charme magique. Une hostie, trempée du sang de Madeleine, enterrée au jardin, devait leur troubler les sens et l'esprit.
    C'était justement l'année où Urbain Grandier fut brûlé. On ne parlait par toute la France que des diables de Loudun. Le pénitencier d'Évreux, qui avait été un des acteurs de cette scène, en rapportait en Normandie les terribles récits. Madeleine se sentit possédée, battue des diables ; un chat aux yeux de feu la poursuivait d'amour. Peu à peu, d'autres religieuses, par un mouvement contagieux, éprouvèrent des agitations bizarres, surnaturelles. Madeleine avait demandé secours à un capucin, puis à l'évêque d'Évreux. La supérieure, qui ne put l'ignorer, ne le regrettait pas, voyant la gloire et la richesse qu'une semblable affaire avait données au couvent de Loudun Mais, pendant six années, l'évêque fit la sourde oreille, craignant sans doute Richelieu, qui essayait alors une réforme des cloîtres.
    Il voulait finir ces scandales. Ce ne fut guère qu'au moment de sa mort et de la mort de Louis XIII, dans la débâcle qui suivit, sous la reine et sous Mazarin, que les prêtres se remirent aux œuvres surnaturelles, reprirent la guerre avec le diable. Picart était mort, et l'on craignait moins une affaire où cet homme dangereux eût pu en accuser bien d'autres. Pour combattre les visions de Madeleine, on chercha, on trouva une visionnaire. On fit entrer au couvent une certaine sœur Anne de la Nativité, sanguine et hystérique, au besoin furieuse et demi-folle, jusqu'à croire ses propres mensonges. Le duel fut organisé comme entre dogues. Elles se lardaient de calomnies. Anne voyait le diable tout au à côté de Madeleine. Madeleine jurait qu'elle avait vu Anne au sabbat, avec la supérieure, la mère vicaire et la mère des novices. Rien de nouveau, du reste. C'était un

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