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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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réchauffé des deux grands procès d'Aix et de Loudun. Elles avaient et suivaient les relations imprimées. Nul esprit, nulle invention.
    L'accusatrice Anne et son diable Léviathan avaient l'appui du pénitencier d'Évreux, un des acteurs principaux de Loudun. Sur son avis, l'évêque d'Évreux ordonne de déterrer Picart, pour que son corps, éloigné du couvent, en éloigne les diables. Madeleine, condamnée sans être entendue, doit être dégradée, visitée, pour trouver sur elle la marque diabolique. On lui arrache le voile et la robe ; la voilà nue, misérable jouet d'une indigne, curiosité, qui eût voulu fouiller jusqu'à son sang pour pouvoir la brûler. Les religieuses ne se remirent à personne de cette cruelle visite qui était déjà un supplice. Ces vierges, converties en matrones, vérifièrent si elle était grosse, la rasèrent partout, et de leurs aiguilles piquées, plantées dans la chair palpitante, recherchèrent s'il y avait une place insensible, comme doit être le signe du diable. Partout elles trouvèrent la douleur ; si elles n'eurent le bonheur de la prouver sorcière, du moins elles jouirent des larmes et des cris.
     
    Mais la sœur Anne ne se tint pas contente ; sur la déclaration de son diable, l'évêque condamna Madeleine, que la visite justifiait, à un éternel in pace . Son départ, disait-on, calmerait le couvent. Il n'en fut pas ainsi. Le diable sévit encore plus ; une vingtaine de religieuses criaient, prophétisaient, se débattaient.
    Ce spectacle attirait la foule curieuse de Rouen, et de Paris même. Un jeune chirurgien de Paris, Yvelin, qui déjà avait vu la farce de Loudun, vint voir celle de Louviers. Il avait amené avec lui un magistrat fort clairvoyant, conseiller des aides à Rouen. Ils y mirent une attention persévérante, s'établirent à Louviers, étudièrent pendant dix-sept jours.
    Du premier jour, ils virent le compérage. Une conversation qu'ils avaient eue avec le pénitencier d'Évreux, en entrant à la ville, leur fut redite (comme chose révélée) par le diable de la sœur Anne. Chaque fois, ils vinrent avec la foule au jardin du couvent. La mise en scène était fort saisissante. Les ombres de la nuit, les torches, les lumières vacillantes et fumeuses, produisaient des effets qu'on n'avait pas eus à Loudun. La méthode était simple, du reste ; une des possédées disait : « On trouvera un charme à tel point du jardin. » On creusait, et on le trouvait. Par malheur, l'ami d'Yvelin, le magistrat sceptique, ne bougeait des côtés de l'actrice principale, la sœur Anne. Au bord même d'un trou que l'on venait d'ouvrir, il serre sa main, et, la rouvrant, y trouve le charme (un petit fil noir) qu'elle allait jeter dans la terre.
    Les exorcistes, pénitencier, prêtres et capucins, qui étaient là, furent couverts de confusion. L'intrépide Yvelin, de son autorité, commença une enquête et vit le fond du fond. Sur cinquante-deux religieuses, il y en avait, dit-il, six possédées qui eussent mérité correction. Dix-sept autres, les charmées , étaient des victimes, un troupeau de filles agitées du mal des cloîtres. Il le formule avec précision ; elles sont réglées, mais hystériques, gonflées d'orages à la matrice, lunatiques surtout, et dévoyées d'esprit. La contagion nerveuse les a perdues. La première chose à faire est de les séparer.
    Il examine ensuite avec une verve voltairienne les signes auxquels les prêtres reconnaissaient le caractère surnaturel des possédées. Elles prédisent , d'accord, mais ce qui n'arrive pas. Elles traduisent, d'accord, mais ne comprennent pas (exemple : ex parte Virginis , veut dire le départ de la Vierge). Elles savent le grec devant le peuple de Louviers, mais ne le parlent plus devant les docteurs de Paris. Elles font des sauts, des tours , les plus faciles, montent à un gros tronc d'arbre où monterait un enfant de trois ans. Bref, ce qu'elles font de terrible et vraiment contre la nature , c'est de dire des choses sales, qu'un homme ne dirait jamais.
     
    Le chirurgien rendait grand service à l'humanité en leur ôtant le masque. Car on poussait la chose ; on allait faire d'autres victimes. Outre les charmes, on trouvait des papiers qu'on attribuait à David ou à Picart, sur lesquels telle ou telle personne était nommée sorcière, désignée à la mort. Chacun tremblait d'être nommé. De proche en proche gagnait la terreur ecclésiastique.
    C'était déjà le temps

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