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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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besoin.
    — Non, Huc. Un jour ou l’autre, Chazeron apprendrait tes versements. Il ne faut pas qu’il puisse se douter, remonter jusqu’à Marie. À son retour, il te questionnera. Je crains pour ta vie à présent que tu te trouves mêlé à ma fuite.
    — Moi, je ne le crains plus, Albérie. Si je te sais en sécurité, alors je le serai aussi. Sois prudente, chuchota-t-il en caressant sa nuque. Surtout les nuits de pleine lune.
    — Elles ne m’effraient plus. Mais tu me manqueras, avoua Albérie en respirant sa peau où l’odeur du sang le disputait à celle aigrelette de vinasse ; à cet instant, pourtant, elle ne l’écœurait plus.
    — Alors j’attendrai. J’attendrai que tu me reviennes, osa-t-il le cœur empli d’espoir.
    — Ne te prive pas du bonheur d’une véritable épouse, Huc.
    —  L’âge éteint les ardeurs. Toi seule. Je ne désunirai pas ce que Dieu et mon sang ont unis, affirma-t-il avec une ferveur qu’il avait crue éteinte.
    Albérie leva sur lui un regard empli de tendresse. Leurs bouches se mêlèrent longuement, en un baiser fougueux. Puis Huc la repoussa.
    —  Allez à présent. Mais auparavant, changez-vous toutes deux. Ces vêtements souillés me seront une preuve. Que la louve les mette en pièces.
    Albérie hocha la tête. Il ajouta, le souffle court :
    —  Adieu, ma femme.
    —  Adieu, mon mari.
    Elle se détacha de lui, en lui cachant ses larmes. Elle n’avait jamais cessé, elle ne cesserait jamais de l’aimer. Mais elle n’avait pas le choix. L’avait-elle jamais eu ?… Quelques minutes plus tard, elles disparaissaient à sa vue, cheminant au long du boyau qui ramenait vers Saint-Jehan-du-Passet, la menotte de Marie résolument serrée dans la main d’Albérie sous le mantel de velours qui l’enveloppait, la louve grise ouvrant la marche.

1
     
     
    La boutique était vaste, claire, et s’étendait à présent sur trois bâtisses que l’on avait rachetées et percées de larges ouvertures. À l’étage, un seul escalier — on avait supprimé les autres pour donner plus d’espace — desservait les cabines d’essayage et l’atelier de confection.
    Isabeau contempla avec plaisir son domaine depuis la rue de la Lingerie où deux jouvenceaux juchés sur une échelle montaient la nouvelle enseigne sur laquelle se détachait en lettres joliment décorées : Au Fil du roi. Isabelle de Saint-Chamond, lingère royale.
     
    Dame Rudégonde s’était éteinte voilà douze jours, de la syphilis qu’un mauvais amant lui avait rapportée d’Espagne, et avait cédé par héritage son affaire à Isabeau, avec laquelle, depuis fort longtemps déjà, elle était associée. Ensemble, au cours des ans, elles avaient fait fructifier la lingerie, y avaient vécu des bonheurs et des drames, s’appuyant sur leur amitié pour acquérir ce pouvoir dont l’une et l’autre avaient fait leur raison de vivre. Le chagrin refoulé, Isabeau mettait un point d’honneur à se montrer digne des dernières volontés de la défunte : « Ne jamais faillir, courber la tête ni mendier, mettre le roi à ses pieds et ses descendants dans son escarcelle. Ne prendre que son dû, mais s’appliquer à ce qu’il soit chaque jour plus grand que la veille. »
    Voilà pourquoi, en ce 2 mars 1531, Isabeau avait l’âme légère. Demain, à Saint-Denis, Eléonore, la sœur de Charles Quint que le roi avait épousée en secondes noces à Mont-de-Marsan le 7 juillet dernier, allait ceindre la couronne de France. Et c’était elle, Isabeau, qui avait taillé les sous-vêtements de plus de la moitié de la cour présente à cet événement, comme c’était elle qui avait confectionné le trousseau des épousailles royales.
     
    Isabeau guida un instant encore les gestes des deux jouvenceaux, puis, jugeant que l’enseigne était droite, tenue solidement aux crochets et du plus bel effet, leur paya leur travail. Demain, définitivement, elle allait conquérir Paris !
    Elle regarda ses filles de boutique s’affairer à l’intérieur, s’assura qu’elles évoluaient efficacement, salua quelques clients et clientes d’un mot gentil, répondit d’un ton affligé aux condoléances de quelques-uns qu’elle se souvenait avoir vus lors de l’enterrement de Rudégonde, et annonça qu’elle ne voulait en aucune façon être dérangée.
    Elle s’engagea alors dans l’arrière-cour où étaient étendues les cotonnades, traversa un jardin dont les premières jonquilles

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