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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rigoulot
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bout du monde, à prêcher pour une conduite austère et rigoriste devant des chefs d’État qui se disaient anti-impérialistes et vivaient dans le luxe. À Jakarta, s’adressant à Sukarno qui voulait lui montrer sa collection de tableaux, il voulut ironiquement évoquer un « autre bijou » : une prostituée dont lui avait fait cadeau Khrouchtchev et dont parlait en riant sous cape tout le corps diplomatique. Heureusement, M. Sukarno ne parlait pas l’espagnol. L’interprète adopta une traduction très libre et l’incident fut évité.
    Comme une directrice de pensionnat de jeunes filles, Guevara tenta aussi pendant cette tournée de s’opposer aux sorties nocturnes des membres de la délégation. Curieuse attitude face à tout ce qui pouvait signifier plaisir et laisser-aller. La révolution et les idéaux n’avaient pas grand-chose à faire là, sinon procurer après-coup des justifications à son rigorisme.
    Il se rendit en URSS ensuite, et assista, euphorique, au défilé sur la place Rouge où Khrouchtchev insista pour qu’il vînt près de lui. Cuba était ainsi aux côtés de la grande puissance qui contestait l’hégémonie américaine. Et, ensemble, ils allaient l’emporter ! Pour lui, « les Américains étaient foutus ». Ils étaient submergés par la révolution mondiale en marche. Les dépassaient, ou étaient en train de les dépasser, non seulement les Soviétiques mais de manière globale le camp socialiste et les pays du tiers-monde. Pas un mot, dans ses réflexions, sur la répression de l’insurrection hongroise en 1956, rien sur les piètres performances de l’économie socialiste. Pour cela, il faudrait attendre quelques années et la découverte de la piètre qualité des produits de consommation courante livrés à Cuba.
    Guevara ne dit rien, sauf à son entourage immédiat, sur la manière de vivre de Khrouchtchev, et ses aspirations à une société consumériste. On sait seulement qu’elle ne lui plut guère. Mais, comme souvent chez lui, le problème posé était un problème personnel et même de morale personnelle. Le système socialiste n’était pas en cause, bien au contraire, et Guevara fit le tour des États qui s’en réclamaient. On sait que la Corée du Nord fut le pays qui l’impressionna le plus. Il fit l’éloge de ses « dirigeants extraordinaires, à commencer par le maréchal Kim Il-sung 79  ».
    Son voyage donna enfin dans ces pays quelques résultats concrets. Il obtint, notamment de la part de la Chine et de l’URSS, des débouchés pour le sucre cubain, assura l’approvisionnement en pétrole de l’île, reçut des promesses d’aide technique pour les mines de nickel cubaines, et acheta quelques usines clefs en main.
    Un petit bonjour à Mao, en passant…
    Guevara fera d’autres voyages et, la conjoncture étant différente, ils ne furent pas la conséquence de manœuvres pour l’éloigner, mijotées par Castro. En 1961, par exemple, à Punta del Este en Uruguay, il joua vraiment un rôle de diplomate lors d’une réunion interaméricaine. Il y fut invité par exemple par le président argentin Frondizi à des entretiens bilatéraux informels, mais ne parvint pas à éviter la marginalisation et le rejet de Cuba par l’Organisation des États américains.
    Fin août 1962, il se rendit à Montevideo pour une réunion interaméricaine, puis à Moscou – il semble d’ailleurs que ce fut là le seul voyage d’importance qu’il effectua là-bas : il s’agissait de discuter de l’opportunité d’envoyer des armes nucléaires soviétiques à Cuba – et non d’échanges économiques avec l’URSS comme le prétendent quelques biographes complaisants.
    En mars 1964, il se rendit encore à Genève à la première Conférence pour le commerce et le développement. Il en profita pour passer à Paris où il rencontra l’économiste pro-Chinois Charles Bettelheim qui note « qu’il voulait imposer aux hommes de se comporter comme il le souhaitait ; comme il se comportait lui-même en fait, persuadé que c’était pour leur bien 80  »… Il passe encore à Moscou le 4 novembre, mais l’Histoire a retenu surtout sa visite à l’Assemblée générale de l’ONU, le 11 décembre, où il tint un discours de combat. Au détour d’une phrase, il laissa entendre ses préoccupations secrètes : « Au moment où ce sera nécessaire, je serai prêt à faire le sacrifice de ma vie pour la libération de n’importe quel pays

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