Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La ville qui n'aimait pas son roi

La ville qui n'aimait pas son roi

Titel: La ville qui n'aimait pas son roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
Vom Netzwerk:
venant de l’archère, elle regarda ses mains, d’une saleté repoussante, puis sa robe, déchirée, répugnante, raide
     de sang séché. Elles n’avaient plus de pot pour les commodités et étaient affamées.
    En boitillant, elle alla à la porte et frappa.
    Personne ne vint et elle frappa à nouveau, puis elle se mit à crier et, enfin, une voix retentit :
    — Silence!
    — Je veux de l’eau pour me laver, du linge, un autre seau et du pain!
    — Je vais demander.
    Une heure s’écoula durant laquelle Cassandre avait ôté son bas de jupe, sa vertugade, sa cotte et sa chemise, délaçant même
     sa basquine pour que Marguerite puisse voir la blessure du fouet. C’était une noire meurtrissure qui partait du dessous du sein gauche jusqu’à la cuisse droite. Il n’y avait pas de plaie mais elle mettrait des semaines à disparaître.
    C’est à ce moment que Marguerite aperçut la longue lame dans son fourreau attaché sur la cuisse par des lanières. Elle eut
     un mouvement de recul.
    Cassandre eut un sourire dur en sortant la lame pour lui en montrer la longueur et le tranchant.
    — Ne craignez rien, avec ça, on s’évadera!
    Marguerite sourit. Elle reprenait courage. Elle nettoya son amie avec le jupon et l’eau qui restait dans la cruche, mais très
     vite il n’y eut plus d’eau.
    Quand elles entendirent des bruissements de l’autre côté de la porte, elles se précipitèrent. On passa par le trou un pain,
     une autre cruche d’eau et un pot pour les commodités, mais celui-là était en terre cuite. Elles rendirent la cruche vide.
    — Je vais finir de vous laver, proposa Marguerite.
    — Non, on ne sait pas quand on aura encore de l’eau, il nous faudra boire. Je mets mon jupon et mangeons, dit-elle en souriant. Je suis affamée!
    Le reste de la journée fut occupé au nettoyage de la cotte et du bas de jupe. Elles les frottèrent contre les pierres du mur
     et les brossèrent avec les mains pour atténuer les taches mais ne purent faire disparaître les odeurs. Cassandre se rhabilla
     entièrement et se brossa les cheveux avec les mains. Déjà les poux s’y multipliaient et tombaient en grappes de ses cheveux
     rien qu’en y passant les doigts.
    La nuit arriva. On ne vint pas les réveiller et, le lendemain, elles eurent droit à un autre pain, du seigle dur plein de
     paille. Toute la journée Marguerite parla de ses enfants et sanglota tandis que Cassandre réfléchissait à un moyen de fuir.
     Vêpres avaient sonné dans le couvent quand retentirent les bruits familiers de la porte qu’on ouvrait.
    C’était la sœur colosse, mais sans bâton.
    — Mesdames, fit-elle avec déférence, vous avez une visite. Suivez-moi au parloir.
    Cassandre la considéra un instant. Et si c’était un piège? Voulait-on les séparer, ou la punir?
    — Qui est-ce? demanda-t-elle sans bouger.
    — Les parents de Mme Poulain.
    À ces mots, Marguerite s’était précipitée, Cassandre derrière elle.
    Elles descendirent de la tour par l’escalier à vis, passèrent la pièce à l’unique fenêtre et entrèrent dans le parloir.
    L’épicier et sa femme étaient là, debout, visages décomposés mais pleins d’espoir. L’abbesse était avec eux.
    — Mesdames, j’ai reçu une demande de ma cousine, la duchesse de Retz, pour vous autoriser à recevoir ces personnes. J’ai accepté, mais étant contrainte d’obéir aux ordres de M. Louchart, je vous demanderai de ne pas lui en parler. Vous aurez droit à une visite par semaine, tous les samedis à cette heure-ci.
    — Pierre et Marie? demanda immédiatement Marguerite.
    — Les enfants vont bien, rassure-toi. Nous sommes rentrés chez nous ce matin, mais la maison a été mise à sac, il y a beaucoup de travail.
    Sa mère lui tendit un petit sac de toile :
    — Il y a une brosse à cheveux et du miel, dit-elle timidement à l’abbesse.
    Celle-ci prit le sac, vérifia le contenu et le donna à Marguerite.
    — Nous avons besoin de plus, exigea Cassandre : du vinaigre, du vin de romarin pour lutter contre les poux, d’une couverture.
    Comme l’abbesse hochait la tête, les parents de Marguerite paraissaient en pleine confusion, n’ayant pas immédiatement reconnu
     l’épouse de M. Hauteville dans cette femme autoritaire, aux cheveux sales et en désordre, à la robe répugnante et qui sentait
     si mauvais.
    Leur fille se rendit compte de leur embarras.
    — Père, mère, sans Mme de Saint-Pol, je n’aurais pu survivre.

Weitere Kostenlose Bücher