La ville qui n'aimait pas son roi
inquiet quant à son avenir auprès de Guise, il avait envoyé Lacroix chercher Poulain qu’il comptait jeter dans un cachot avant de le livrer aux Lorrains; mais le lieutenant du prévôt s’était méfié et avait refusé de venir.
Puis il y avait eu les barricades, et Poulain avait abattu ses cartes en se rendant ouvertement au Louvre prévenir le roi!
Tout cela Lacroix le savait. Villequier, autant par colère que par calcul, voulait se venger. Il l’avait appelé le vendredi
soir, à Trappes, et lui avait ordonné de ne pas perdre des yeux Nicolas Poulain. S’il quittait le roi et retournait à Paris,
il devait le suivre, le retrouver, et le tuer comme il l’avait fait pour l’amant de sa femme.
Ensuite il ferait savoir à Guise que Poulain était bien un espion et qu’il l’avait châtié. Ainsi, sa position future ne serait
pas ébranlée.
Après l’incompréhensible échec de sa tentative de se saisir d’Henri III sur la route de Vincennes, la duchesse de Montpensier était restée découragée. Elle avait été trahie, elle en était certaine. Mais par qui? Il y avait tant de monde le soir où elle avait annoncé son entreprise, dans la salle des jésuites! Elle se jura d’agir à l’avenir sans informer les Seize.
Sur ces entrefaites son frère était entré dans Paris. Elle était d’ailleurs avec Catherine de Médicis quand il s’était présenté en pourpoint immaculé, beau comme un dieu. Elle avait tremblé, tout en admirant son courage, quand il était parti seul pour le Louvre, puis la journée des barricades avait soigné ses plaies. Le roi allait enfin tomber entre ses mains. Elle le tondrait elle-même avec les ciseaux d’or qu’elle portait à sa ceinture avant de l’enfermer aux hiéronymites!
Toute la journée du vendredi, elle avait attendu avec impatience qu’on lui annonce que le Louvre était à la Ligue, mais on
l’avait finalement prévenue que le bougre s’était enfui, comme un lâche.
Décidément, elle ne connaissait que l’échec! Elle pensa à nouveau à cette malédiction qui la poursuivait, à Hauteville qui en était certainement la cause, et elle retomba dans un tel découragement qu’elle dut s’aliter. Son frère lui envoya son médecin qui diagnostiqua la présence dans son organisme d’humeurs morbides. Son traitement fut celui qu’on appliquait en pareil cas pour les éliminer : la saignée et les purgatifs associés à des lavements réguliers.
Après deux jours de traitement, elle ne put plus se lever. Elle confia alors au capitaine Cabasset qu’elle subissait un maléfice,
mais qu’elle ignorait qui lui avait jeté ce sort.
Cabasset n’avait pas peur de la mort. S’il savait que la camarde l’appellerait un jour, il ne la redoutait pas, jugeant que
quand viendrait la pesée de son âme, ses bonnes actions l’emporteraient sur les mauvaises. Seulement le Diable et la sorcellerie
relevaient d’un autre monde que celui de Dieu, un monde dont il ne savait pas se protéger. Apprenant que Mme de Montpensier
était envoûtée, il fut terrorisé et supplia le curé Boucher de venir la délivrer. Celui-ci arriva le dimanche après les barricades,
accompagné de Jean Prévost, le curé de Saint-Séverin.
Si Cabasset craignait le Diable, Boucher, lui, n’y croyait pas. En revanche, il était sûr d’une chose : maintenant queles Lorrains étaient les maîtres de Paris, on ne pouvait laisser courir la rumeur que la duchesse était ensorcelée. Les Parisiens, qui avaient peur de tout, étaient bien capables de se détourner de la Ligue en l’apprenant. Ce serait une arme redoutable que de faire croire que la Ligue avait une origine diabolique! En l’absence de Cabasset, il pratiqua donc quelques opérations d’exorcisme et conclut qu’il n’y avait plus d’envoûtement.
Cela ne parut pas faire sortir la duchesse de son état d’extrême faiblesse. Pour tenter de la réconforter, les deux prêtres lui racontèrent qu’ils préparaient une grande procession durant laquelle tous les Parisiens porteraient des cierges, en chantant : « Dieu, éteignez la race des Valois! »
Mais même ce séduisant projet ne la fit pas sortir de son abattement.
— Tant que le Valois sera vivant, leur affirma-t-elle, je resterai sous ce maléfice qui me ronge, je le sais… et ce sort empêchera mon frère de parvenir au trône. Il ne suffit pas de demander la fin de la race des Valois, il faut le faire!
— C’était une
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