La ville qui n'aimait pas son roi
les chercher, demanda-t-il d’une voix émue. À mon beau-père, expliquez qu’il doit porter cette lettre avant ce soir à l’abbesse de l’Ave-Maria. Quand elle l’aura lue, elle lui laissera voir sa fille. Il me racontera, ensuite.
— Vous restez ici? demanda Mario.
— Non, moins on me verra, mieux ce sera pour vous.
— Restez dîner, au moins. Il y a ce qu’il faut en bas.
Il accepta.
Ce fut un repas de bouillie d’orge, de pois et d’un pâté de charcutaille (encore que pour la charcutaille, Poulain eut l’impression
qu’on la sortait spécialement pour lui). Pendant qu’il mangeait, Mario lui racontait ce qu’il avait entendu dans la matinée.
La forteresse de la Bastille était au duc de Guise qui en avait nommé gouverneur Jean Le Clerc. Mais la réalité était que Le Clerc en avait pris possession au nom de la Ligue et n’avait pas voulu la rendre à Guise! Il y avait enfermé le prévôt des marchands, M. Hector de Perreuse, et les échevins loyaux.
— Peut-être seront-ils plus en sécurité là-bas, remarqua Poulain.
— Sans doute, approuva Mario, car on raconte que beaucoup de politiques ont été tués ce matin, seuls les plus chanceux ont été arrêtés. M Séguier et son frère, comme quelques autres officiers, sont tout de même parvenus à quitter Paris. Ce sont les Seize qui commandent désormais, car ils tiennent la milice. Guise croit être le maître, mais il a encore moins de pouvoir qu’Henri le bougre.
Ainsi il n’y avait plus de lieutenant civil, sans doute plus de police sinon celle des commissaires ligueurs, se dit Poulain.
Le désordre allait immanquablement s’installer. Il songea à aller rendre visite à Rapin, le lieutenant criminel,puis au commissaire Chambon dès qu’il aurait délivré sa femme.
Deux heures plus tard, il arrivait au Porc-Épic, ayant emprunté une houppelande râpée à capuchon aux comédiens. Il raconta
ce qu’il avait vécu à ses deux amis si heureux de le revoir si vite. Surtout, il parla de la lettre. Le prince des sots avait
dû la porter à son beau-père qui devait être en chemin, ou même qui était déjà à l’Ave-Maria. Caudebec, qui guettait dans
l’échauguette, confirma qu’un couple s’était présenté au couvent juste avant qu’il n’arrive.
Ils n’avaient donc qu’à surveiller sa sortie.
Nicolas s’installa devant la meurtrière pendant qu’Olivier lui racontait à son tour ce qu’ils avaient fait. C’est-à-dire pas
grand-chose, car le couvent n’avait pas eu de visiteur. Il avait donc eu le temps d’écrire une longue lettre à M. de Mornay
dans laquelle il avait raconté l’emprisonnement de Cassandre. Ainsi son beau-père ferait tout pour qu’un échange avec des
prisonniers guisards soit possible. Il avait aussi raconté les évènements qu’ils avaient vécus, et les découvertes qu’ils
avaient faites sur Boisdauphin et Belcastel. En revanche il n’avait rien dit du convoi de Juan Moreo, sachant que sa lettre
pouvait être saisie, et n’ayant pas les moyens de la chiffrer. Il avait aussi précisé qu’on pourrait les trouver en passant
plusieurs fois devant l’Ave-Maria avec un manteau rouge. Venetianelli avait porté cette lettre chez Sardini, pour que son
valet d’armes la fasse parvenir à M. de Mornay.
Une grosse heure s’était écoulée quand Nicolas Poulain vit la porte de l’Ave-Maria s’ouvrir et ses beaux-parents sortir. Le
cœur battant le tambour, il descendit avec Olivier sur ses talons.
Dans la rue, les parents de Marguerite ne savaient où diriger leurs pas. Les évènements des jours précédents avaient brisé
toute leur énergie, et de voir leur fille avec…cette femme… les avait encore plus désemparés, même si Marguerite leur avait dit qu’elle lui devait tout.
Nicolas se précipita vers eux, ne cherchant même pas à savoir s’ils n’avaient pas été suivis.
— Nicolas! s’exclama son beau-père.
Poulain mit l’index devant sa bouche.
— Suivez-nous… Comment vont-elles?
— À peu près bien, mais…
Il hésitait à parler de l’autre femme, devant Hauteville.
1 À l’emplacement actuel de la place Vendôme.
20.
Le lendemain, ce fut la douleur qui réveilla Cassandre. Son flanc la brûlait, tout un côté de son corps était raide. Avec
l’aide de Marguerite, elle parvint pourtant à se redresser et s’asseoir. La minuscule cellule puait les excréments et le sang.
À la lumière
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