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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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faible de cette philippique, montrant que croc
contre croc et venin contre venin, la soubrette valait bien l’altesse.
    — Madame la Duchesse, dit-elle, avec tout le respect
que je vous dois (mais que son œil et son ton démentaient), je suis céans aux
gages de Monsieur le Marquis de Siorac. C’est lui qui m’a engagée, me trouvant
sans doute à son goût, et c’est donc à lui de me désoccuper et à nul autre.
    Il faut bien avouer que ce « à son goût » était un
trait d’une rare perfidie, Toinon ne pouvant ignorer, étant fort amie de
Mariette et prêtant l’oreille à ses clabaudages, la grande amour que ma
marraine nourrissait pour mon père.
    — Quoi ? hurla la Duchesse, oses-tu bien me
braver, brimborion !
    Et marchant sus à l’ennemi d’un pas plus rapide qu’on eût attendu
d’une cheville foulée, elle leva sa canne sur elle. Je fus assez prompt pour en
saisir le bout et la tirai à moi si vivement que, sans l’avoir voulu, je la lui
arrachai des mains.
    — Quoi, mon filleul ? dit-elle en se tournant vers
moi avec un mélange de douleur et de fureur, me faites-vous violence ? À
moi, votre marraine et quasiment votre mère !
    Ici Toinon, pendablement, ricana. Ce qui redoubla la fureur
de la Duchesse qui, les mains nues, se jeta sur la soubrette, mais me trouvant
sur sa route, plus grand et assurément beaucoup plus fort qu’elle, buta sur cet
obstacle et, dans sa male rage, me souffleta. Le coup fut donné non du plat de
la main mais du revers, si bien qu’un gros diamant qu’elle portait à
l’auriculaire me blessa à la joue.
    Je ne branlai pas d’un pouce et sans dire mot, je me
contentai de la regarder. Je compris après coup que ce regard était la seule
bonne réponse que j’eusse pu lui faire, car elle se décoléra d’un seul coup et
resta devant moi sans voix, les larmes lui jaillissant des paupières. J’eus
grand’honte pour elle qu’elle perdît à ce point la capitainerie de son âme que
de pleurer devant une servante qui l’avait si durement affrontée, et me
tournant vers Toinon, je lui enjoignis de se retirer incontinent dans sa
chambrette. Mon ton étant sans réplique, la friponne se tint coite et obéit,
mais me regarda d’un air fort malengroin et, en s’en allant, tourna vers moi un
dos irrité, lequel je vis partir avec quelque regret : il était si joli.
    Je crus, en la renvoyant, avoir agi avec sagesse. Ce fut
tout le rebours. Car sur son chemin, ma Toinon rencontra mon père qui venait de
rentrer au logis. En son ire, et à sa façon, elle lui raconta tout : les
insultes, la canne, le renvoi, mon soufflet. Toutes choses que j’aurais fort adoucies,
si je les avais moi-même contées à mon père, ne voulant pas qu’il s’enflammât
outre mesure contre ma pauvre marraine que je voyais au désespoir de m’avoir
frappé, l’œil quasi hagard fixé sur le sang qui coulait sur ma joue.
    Dès que Toinon fut partie, je pris Madame de Guise dans mes
bras et entrepris de la cajoler comme j’avais vu faire mon père si souvent,
sentant bien, malgré mon âge, qu’il y avait de l’enfant en elle et qu’il la
fallait ménager, si brutalement qu’elle m’eût elle-même traité. La pauvre ne
pouvait plus parler. Elle défaillait, et l’ayant fait asseoir sur un cancan, je
me mis à genoux, lui pris les deux mains (qu’elle avait fort petites) dans les
miennes et continuai à lui parler sans faire trop de cas de ce que je lui
disais, sachant bien que ce qui comptait alors, ce n’était pas tant les paroles
que le ton, la voix et le regard.
    Là-dessus, mon père entra vivement dans la pièce, son pas
martelant le plancher.
    — Eh quoi, mon fils ! dit-il d’une voix forte,
vous voilà léchant la main qui vous a frappé ! Ne vous ai-je pas dit cent
fois, et par mon exemple montré, de ne pas être trop doux avec ce doux sexe,
quand il oublie lui-même sa douceur ? Avez-vous vocation à faire le
martyr ? Et vous, Madame, vous pleurez, je crois ! En est-il bien
temps ? N’auriez-vous pas pu trouver en vous un petit coin de cervelle
pour réfléchir à vos folies avant de vous y livrer et mettre ma maison sens
dessus dessous ? Vous insultez mes gens ! Vous levez la canne sur
eux ! Vous prétendez les chasser ! Vous souffletez mon fils !
Testebleu, Madame ! suis-je encore le maître en ce logis ? Et dois-je
vous en remettre les clés et le commandement, dès que vous me faites l’honneur
de me visiter ?
    Au premier mot de

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