L'âme de la France
21 floréal), le Directoire doit faire face à une poussée électorale de la « gauche », cette fois, et que seul un coup de force – un vrai coup d'État – permet d'exclure les députés élus de cette tendance.
Malgré cela, l'influence des néojacobins s'accroît en juin 1799. On parle à nouveau de « bonheur du peuple ». On exige des mesures en sa faveur : « Élaguez ces fortunes immenses qui font le scandale des mœurs, établissez l'impôt progressif sur les fortunes, réduisez les impôts indirects, faites des économies en renvoyant les fonctionnaires inutiles, en diminuant l'indemnité des députés et les pensions des Directeurs ! »
Des revendications « modernes » se font ainsi jour dans le langage politique. Elles traverseront les décennies.
En même temps, on veut en finir avec le « système de bascule », l'instabilité qui fait soutenir la gauche contre la droite, et vice versa.
Derrière les néojacobins se profile le parti des généraux. Ils sont victorieux. Ils ont créé des républiques sœurs : la Batave, la Cisalpine, la Romaine, l'Helvétique, la Parthénopéenne (napolitaine). Ils ont accumulé des « trésors de guerre ». Les soldats leur sont dévoués, puisque ce sont les généraux qui les paient.
Ce néojacobinisme « armé » annoncerait-il le retour à un robespierrisme rebouilli ?
Sieyès s'en inquiète. Il dénonce la « sanglante tyrannie » des Jacobins de l'an II et leur « pouvoir monstrueux », dont il faut empêcher la renaissance.
Les « républicains du centre » – Sieyès, Fouché, Talleyrand – se tournent vers Bonaparte rentré d'Égypte.
Il est l'homme providentiel. Il se présente comme sans ambition personnelle, prêt seulement à mettre sa popularité au service du parti de l'ordre.
Son frère Lucien a été élu président du Conseil des Cinq-Cents, mais lui, « le plus civil des généraux », évoque moins ses exploits militaires que les découvertes que les savants qui l'ont accompagné en Égypte ont réalisées au pays des pharaons.
À Saint-Cloud, où se sont réunis les conseillers, après un moment difficile, Murat, à la tête d'une compagnie de grenadiers, disperse les élus en criant à ses soldats : « Foutez-moi tout ce monde-là dehors ! »
C'est la technique d'un coup d'État moderne, mêlant le coup de force parlementaire à l'action armée, l'apparence légale à la violence, que Bonaparte et ses complices ont appliquée.
Bonaparte peut se présenter comme l'homme du centre, au-dessus des partis, incarnant l'union des Français contre les « anarchistes » et les « royalistes ».
« Tous les partis sont venus à moi, m'ont confié leurs desseins, dévoilé leurs secrets, et m'ont demandé mon appui : j'ai refusé d'être l'homme d'un parti », dit-il.
En fait, il veut rassembler tous les notables et, autour d'eux, le peuple, en ne revenant pas sur les conquêtes majeures de la Révolution dans l'ordre social : abolition des droits seigneuriaux, liberté de la propriété, vente des biens nationaux.
Le ciment de cette union, c'est le patriotisme.
Il dit : « Ni bonnet rouge [révolutionnaire] ni talon rouge [aristocratique] : je suis national ! »
La Révolution, la République, sont l'assomption de la nation.
CHRONOLOGIE III
Vingt dates clés (1715-1799)
1715-1723 : Régence de Philippe d'Orléans. Louis XV a cinq ans
1757 : Attentat de Damiens contre Louis XV (1715-1774)
1771 : Réformes de Maupeou : abolition de la vénalité des offices, gratuité de la justice, etc.
1774 : Louis XVI (1774-1792) rétablit les parlements dans leurs privilèges
1784-1785 : Affaire du « collier de la reine » qui discrédite la monarchie
1788 : À Vizille, les états du Dauphiné réclament la convoca-tion des états généraux
5 mai 1789 : Ouverture des états généraux à Versailles
14 juillet 1790 : Fête de la Fédération au Champ-de-Mars
20-21 juin 1791 : Fuite du roi à Varennes
20 avril 1792 : Déclaration de guerre à l'Autriche et à la Prusse
20 septembre 1792 : Victoire de Valmy et, le 21 septembre, abolition de la royauté, puis proclamation de la Répu-blique une et indivisible (25 septembre)
21 janvier 1793 : Exécution de Louis XVI
Mars 1793 : Soulèvement de la Vendée contre la Convention
Septembre 1793 : Loi des suspects et loi sur le maximum des prix et salaires
8 juin 1794
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