L'âme de la France
s'engagent à conserver les territoires français – donc les conquêtes de la Révolution – dans leur intégrité, à défendre la propriété libérée des contraintes féodales, à reconnaître comme définitif le transfert de propriété résultant de la vente des biens nationaux et à affirmer le principe d'égalité.
Dès le lendemain du coup d'État de Brumaire, Bonaparte avait dit : « La Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie. »
« Je suis la Révolution », a même ajouté Bonaparte en commentant et assumant l'exécution du duc d'Enghien.
Mais c'est un régime original qui façonne l'âme de la France.
La consultation des citoyens par le moyen de votes successifs tamise une minorité de notables désignant les représentants des Français au Tribunat – qui discute mais ne vote pas – au Corps législatif – qui vote mais ne discute pas.
Par le jeu des plébiscites, Napoléon est formellement l'empereur des Français, alors que l'autorité vient en fait d'en haut, et non du peuple.
Mais les « apparences » démocratiques sont capitales.
L'âme de la France va s'en imprégner.
Elle y voit conforté le principe d'égalité, ressort de l'histoire nationale. Un libéral comme Benjamin Constant peut bien dire que le Consulat, puis l'Empire sont des « régimes de servitude et de silence », rappeler le rôle de la police, les nombreuses violations des droits de l'homme, la censure généralisée, le peuple mesure la différence avec l'Ancien Régime.
Le vent de l'égalité continue de souffler : chaque soldat a un bâton de maréchal dans sa giberne. Illusion, certes, mais le mirage dure, enivre l'âme de la France.
En même temps, la société s'imprègne des valeurs militaires que Napoléon Bonaparte incarne : ordre, autorité, héroïsme, gloire, nation.
Et ce régime est accepté, plébiscité.
C'est une dictature, mais le despote est éclairé. Il est homme des Lumières.
Son frère Lucien est Grand Maître du Grand Orient de France, qui regroupe alors toutes les loges maçonniques.
Quand la paix religieuse est rétablie – le concordat date du 16 juillet 1802 –, le catholicisme n'est pas décrété religion d'État, mais seulement religion de la majorité des Français. Nombreux, parmi les officiers, les voltairiens de son entourage, sont ceux qui bougonnent, mais ce compromis leur convient. Juifs et protestants trouveront d'ailleurs leur place aux côtés des catholiques sous la férule d'un empereur qui se serait fait « mahométan chez les mahométans ».
Cette pacification religieuse, qui place les Églises dans la dépendance de l'État, n'est qu'un des aspects de ce régime d'autorité et d'ordre qu'en l'espace de cinq années Napoléon Bonaparte met en place.
Banque de France, Code civil, préfets et sous-préfets, lycées, école de Saint-Cyr, réorganisation de l'Institut en quatre classes, chambres de commerce, divisions administratives, dotation à la Comédie-Française, pension de retraite des fonctionnaires, préfecture de police à Paris, organisation hiérarchisée de l'Université, Légion d'honneur : la France moderne, fille de la monarchie et de la Révolution, sort de terre.
À cela s'ajoute la gloire militaire, après que Napoléon Bonaparte a défait les Autrichiens en Italie, à Marengo (14 juin 1800).
Bataille et victoire exemplaires, puisque le mérite en revient à Desaix – qui y trouve la mort – et à Kellermann, mais dont la presse aux ordres attribue tout le mérite à Napoléon Bonaparte.
Ainsi se confirme le rôle moderne de la propagande dans le fonctionnement d'un régime qui accentue la personnalisation – les grands tableaux historiques, les images d'Épinal, figurent et diffusent sa geste héroïque – et construit ainsi la légende napoléonienne.
Elle masque les répressions et les reniements : ainsi du plus symbolique et du plus inacceptable d'entre eux, le rétablissement, le 20 mai 1802, de l'esclavage aboli par la Convention, la déportation et la mort de Toussaint-Louverture, les massacres de Noirs à Saint-Domingue.
Ou bien la surveillance policière qui, par le biais du « livret ouvrier », contrôle la population laborieuse des villes, la plus rebelle parce que ne bénéficiant pas, comme la paysannerie, du transfert de propriété, de l'abandon des droits seigneuriaux réalisés pendant la Révolution.
Le régime s'appuie ainsi sur la gloire du
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