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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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premier consul, la paix qu'il apporte – elle est signée avec l'Angleterre à Amiens en 1802, mais ne durera qu'un an –, le silence qu'il impose.
    Il assure la protection des propriétés et la stabilité monétaire avec la création du franc germinal et la concession à la Banque de France du privilège de l'émission.
    Les notables, les propriétaires et les rentiers sont satisfaits. Les formes de la politique propres à la France contemporaine se dessinent ici.
    Le fonctionnement démocratique – le vote – est corseté et manipulé par le pouvoir incarné par une personnalité héroïque au-dessus des factions, des partis et des intérêts. C'est un régime de notables, de « fonctionnaires » d'autorité (militaires, préfets), auquel la paysannerie sert de base populaire. Mais Napoléon Bonaparte en est la clé de voûte.
    C'est dire que cette construction politique dépend étroitement de la « gloire » du « héros », donc d'une défaite militaire ou de la disparition de la personne du consul.
    Ainsi, la rumeur de la défaite et de la mort de Napoléon à Marengo ébranle tout le régime en 1800.
    La création de l'Empire est une tentative pour le pérenniser.
    Un député du Tribunat – Curée – déclare ainsi le 30 avril 1804 : « Il ne nous est plus permis de marcher lentement, le temps se hâte. Le siècle de Bonaparte est à sa quatrième année ; la Nation veut qu'un chef aussi illustre veille sur sa destinée. »
    Napoléon Bonaparte est sacré empereur des Français le 2 décembre 1804.
    Mais la course d'un météore ne peut que s'accélérer.
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    En cinq nouvelles années, de 1804 à 1809, Napoléon plonge l'âme de la France dans l'ivresse de la légende. Et durant deux siècles la nation titubera au souvenir de ce rêve de grandeur qui a le visage des grognards d'Austerlitz, d'Iéna, d'Auerstaedt, d'Eylau et de Friedland.
    Napoléon entre et couche dans les palais de Vienne, de Berlin, de Varsovie, de Madrid, de Moscou. Il est le roi des rois.
    À Milan, il s'est fait couronner roi d'Italie. Son frère Joseph est roi de Naples avant d'être roi d'Espagne. Son frère Louis est roi de Hollande. Sa sœur Elisa est princesse de Lucques. Les maréchaux d'Empire deviennent à leur tour rois selon le bon plaisir de l'Empereur.
    Ses soldats sont à Lisbonne et sur les bords du Niémen. Ils occupent Naples et Rome.

    Cette légende napoléonienne n'imprègne pas seulement la France, elle bouleverse l'Europe, dont elle modifie l'équilibre et change l'âme.
    La Grande Armée apporte dans ses fontes le Code civil, mais aussi les semences de la révolte contre cette France impériale qui annexe et qui s'institue, de la Russie au Portugal, maîtresse du destin des peuples.
    Or ceux-ci, de Madrid à Berlin, du Tyrol à Naples, affirment leur identité.
    Fichte écrit ses premiers Discours à la nation allemande (1807) et Goya peint les insurgés qui, el dos y el tres de Mayo – les 2 et 3 mai 1808 –, attaquent les troupes françaises à Madrid, puis dans toute l'Espagne et sont réprimés.

    De 1804 à 1809 s'esquisse l'Europe du  xix e  siècle et de la plus grande partie du xx e , dans laquelle les nations, nouant et dénouant leurs alliances, s'affrontent dans des guerres dont ces cinq années napoléoniennes auront été les ferments.
    L'âme même de la France est profondément modelée par cette période où se fixent son destin, celui de l'Empire napoléonien et le regard que ce pays porte sur lui-même et sur l'Europe.
    Car on n'est pas impunément la nation dont les soldats ont vu se lever le soleil d'Austerlitz le 2 décembre 1805.

    D'abord, cette nation s'imprègne des valeurs d'autorité.
    Le régime n'est pas seulement cet Empire plébiscitaire où l'égalité et les bouleversements produits par la Révolution sont admis, « codifiés ».
    Il est aussi une dictature militaire, avec son catéchisme impérial, son université impériale, ses lycées qui marchent au tambour (1 700 bacheliers en 1813), sa noblesse d'Empire (1808).
    La France voit ainsi se poursuivre la tradition d'une monarchie absolue, centralisée.
    Le contrôle de tous les rouages de la nation est même plus pointilleux, plus efficace, plus « bureaucratique » qu'il n'était au temps des monarques légitimes, quand le pays restait souvent « un agrégat inconstitué de peuples désunis ».
    Napoléon, empereur « jacobin », régente toutes les institutions. Il a ses préfets, ses

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